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LA CHIMIE DANS L’ANTIQUITÉ.

le cuivre et d’autres métaux, alliages inégalement riches, servant à fabriquer des bijoux à bas titre, qu’ils s’efforçaient de faire payer comme or pur par leurs cliens. Ces usages et ces pratiques frauduleuses subsistent, même de nos jours, en Orient et partout où la loi n’a pas établi des règles invariables et des pénalités sévères pour fixer le titre des objets d’or et d’argent livrés à la vente. La fraude est perpétuelle dans ce genre d’industrie, en raison des primes considérables qui lui sont offertes par le prix élevé des objets.

Ces faits étant connus, il est facile de concevoir les idées et les théories des alchimistes et de se représenter leurs pratiques et leurs espérances.

En effet, la première notion qui leur apparaissait comme établie par l’expérience, c’était celle de la variabilité des propriétés des métaux. La définition théorique de nos corps simples, qui restent immuables dans leur nature et dans leur poids, à travers la suite des métamorphoses, ne s’est dégagée que lentement, et elle n’est même devenue certaine pour les chimistes que depuis un siècle à peine. Sans doute, l’esprit positif des législateurs romains avait aperçu la nécessité d’employer de l’or et de l’argent purs, ou alliés à un degré fixe, dans la fabrication des monnaies, destinées à servir d’unité pour les transactions. Mais c’était là une prescription pratique et non un principe scientifique. Si les artisans qui maniaient ces métaux savaient obtenir des corps doués de la pureté légale, cependant ils ne possédaient aucun signe pour distinguer si de tels corps représentaient réellement un métal unique et inaltérable dans son essence ; ou bien s’il s’agissait d’un certain terme conventionnel, dans la suite indéfinie des transformations de la matière.

Ces définitions légales s’appliquaient d’ailleurs uniquement à l’or et à l’argent. Quant au cuivre, au plomb, à l’étain, rien ne prouvait que quelqu’une de leurs espèces sans nombre représentât, de préférence aux autres, un état fondamental, auquel l’ensemble de celles-ci dût être rapporté. Bref, l’or, l’argent, le cuivre, le plomb étaient, en réalité, aux yeux des alchimistes des mélanges ou composés, dont on pouvait modifier à volonté les propriétés, en y ajoutant, ou en en retranchant certains composans.

L’unité fondamentale de la matière résidait au-delà. Elle était subordonnée à l’existence des quatre élémens : la terre, l’eau, l’air et le feu, dont l’association, suivant Platon et Aristote, constitue tous les êtres de la nature. Nous savons aujourd’hui, depuis les découvertes faites en chimie il y a un siècle à peine, que ces élémens antiques ne sont pas des substances véritables, mais les symboles des états fondamentaux de la matière, tels que la solidité, la liquidité, la gazéité, tous états statiques ; le quatrième élément,