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LA CHIMIE DANS L’ANTIQUITÉ.

gible. Les chimistes grecs disaient que les métaux étaient comme l’homme ; ils avaient un corps et une âme. L’âme, d’ailleurs, pour la plupart des philosophes anciens, n’était autre chose qu’une matière plus subtile. C’est ainsi que les alchimistes furent conduits à imaginer une matière première, propre aux métaux seuls, et qui en constituait l’essence commune. Elle semblait indiquée par cet état général de fusion que prennent tous les métaux soumis à l’action du feu ; état dans lequel ils sont disposés à recevoir tout alliage, toute coloration, toute impression de propriétés nouvelles. Pour les vieux Égyptiens, cette matière première était le plomb, désigné par eux sous le nom d’Osiris. « Osiris est le principe de toute liquidité, dit Olympiodore ; c’est lui qui opère la fixation dans les sphères du feu. » — « Toutes les substances métalliques, d’après un autre auteur, ont été reconnues par les Égyptiens comme produites par le plomb seul. » Le mot plomb désignait alors aussi l’étain, l’antimoine et une multitude d’alliages plus ou moins voisins de l’argent ; c’était d’ailleurs des minerais de plomb que l’on extrayait le plus souvent l’argent, qui en représentait en quelque sorte le perfectionnement.

Mais vers le temps de la guerre du Péloponnèse, apparut dans le monde une nouvelle substance, le mercure ou argent liquide, qui répondait mieux encore à la notion de la matière première métallique.

Quelle était l’origine de ce métal singulier ? C’est ce qu’aucun auteur ne nous a appris. Nous savons cependant qu’à cette époque les Carthaginois exploitaient les mines d’or et d’argent de la Bétique, et que les minerais de mercure, situés dans la même région, étaient parfaitement connus et mis en œuvre au temps de l’empire romain. Il semble donc que le mercure soit venu de là.

Quoi qu’il en soit, l’aspect et les propriétés de cet argent liquide, et vaporisable, presque aussi résistant aux agens chimiques que son vieil homonyme solide, frappèrent vivement les imaginations. Il semblait qu’il suffît de le fixer, c’est-à-dire de lui ôter son état liquide et sa volatilité, pour obtenir les divers métaux et spécialement l’argent véritable.

Le mercure devint ainsi la matière première des métaux pour les alchimistes. Nous lisons à cet égard les passages les plus décisifs dans Synésius, écrivain de la fin du ive siècle de notre ère, lequel paraît devoir être identifié avec le célèbre évêque de la Cyrénaïque, contemporain des deux Théodose. Voici ce qu’il écrit, dans une lettre adressée à Dioscorus et qui rappelle, par le fond et par la forme, les dialogues de Platon et le Timée en particulier. « Le mercure est donc de différentes sortes. — Oui, il est de différentes sortes, tout en étant un. — Mais s’il est un, comment est-