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Trente. Ici encore, il suivait avec passion les conseils venus de Home ; mais il dépassait les sentimens d’un certain nombre de prélats et il heurtait l’opinion de la majorité influente du pays.

Parmi les évêques, il y en eut même de plus ardens, qui, revenant à l’attitude prise dès le début, parurent vouloir s’emparer, de haute lutte, d’une autorité qui s’était bien affaiblie dans les mains de la régente et de ses ministres. Emporté par son tempérament, Miron, évêque d’Angers, attaqua directement la cour « et ces personnes puissantes qui, sous le nom du roi et de la reine sa mère, disposent de toutes choses comme il leur plaît, souvent au préjudice de la religion et de l’État. » Il demanda s’il ne se trouvait pas un prélat ou gentilhomme vraiment français, c’est-à-dire assez courageux pour parler publiquement et ouvertement des causes et des remèdes du mal que chacun « sait, dit et pleure en particulier. » Il ajouta que lui, évêque d’Angers, « avait souvent pris la liberté d’en parler tout haut en cette assemblée, mais que cela avait toujours été négligé ou reculé et que, puisque l’on était proche de la fin des États, il reprenait la liberté d’en reparler ouvertement. » Sa harangue tendait à établir un sévère contrôle sur les finances et surtout à modifier la composition du conseil.

Cet homme devenait gênant. Les sages ne pensaient pas qu’on pût rien faire avec ces éclats de voix. Les habiles levaient les épaules et faisaient valoir d’un sourire leur dévoûment souple et leur zèle discret. Tel l’évêque de Luçon. À quelques jours de là, des attaques violentes s’étant produites contre la reine mère, l’ordre du clergé décida qu’il protesterait énergiquement et qu’il ferait savoir à la reine « qu’il trouvait très mauvais qu’on voulût séparer et diviser l’autorité du roi avec celle de la reine sa mère, qu’il témoignerait un grand ressentiment de ce que Leurs Majestés fussent offensées et qu’il leur protesterait toute sorte d’obéissance, de fidélité et de service. » Qui fut chargé de développer cette proposition devant l’ordre de la noblesse ? L’évêque de Luçon.

Ainsi nous le trouvons toujours du parti de la soumission à la reine et de la fidélité. Le sentiment s’enfonce de plus en plus en lui qu’on ne peut rien dans ce pays que par la royauté. Quels que soient les hommes qui détiennent le pouvoir, c’est vers eux qu’il se tourne et qu’il oriente lentement la prudence de ses ambitions.

Ce zèle devait avoir bientôt sa récompense. La cour aspirait, avec une impatience fébrile, à la clôture des États. Les trois ordres, d’ailleurs, se perdaient en de vaines discordes et dans l’inutile aigreur de récriminations réciproques. Les passions s’échauffaient ; les discussions dégénéraient en violences. Condé avait voulu forcer la porte des États, et ne s’était arrêté que devant un ordre formel