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réponse au cahier et, en général, pour la conduite des affaires publiques, l’orateur devait demander qu’une part plus large fût faite désormais au clergé dans le conseil du roi.

Parmi ces sujets, on discerne facilement ceux qui devaient exercer plus particulièrement la verve de notre évêque. À peine a-t-il achevé un prologue un peu pénible, qu’il se jette sur la question de la participation du clergé au maniement des affaires et s’y étale complaisamment : « C’est chose assurée, dit-il, qu’ès siècles passés, en toutes les nations du monde, soit pendant qu’elles ont été attachées au culte des fausses déités, soit depuis qu’elles n’ont servi et adoré que le vrai Dieu, les personnes consacrées au ministère de la religion ont, auprès des princes souverains (si eux-mêmes ne l’ont été), tenu les premiers rangs, non-seulement en ce qui concerne le spirituel, mais en outre en ce qui regarde le gouvernement civil et politique. » Suivent immédiatement les exemples empruntés à l’histoire ; le souvenir de l’autorité qui, anciennement, appartenait à l’Église fait contraste avec l’état d’abandon où on la laisse maintenant : « On peut dire avec vérité que l’Église se trouve en même temps privée d’honneurs, dépouillée de biens, frustrée d’autorité, profanée et tellement abattue qu’il ne lui resterait pas les forces pour se plaindre, si, se ressentant aux derniers abois et voyant devant elle le médecin de qui seul elle peut recevoir guérison, elle ne faisait un dernier effort pour lui toucher le cœur de telle sorte qu’il soit mû par pitié, convié par religion et forcé par raison, à lui rendre la vie, le bien et l’honneur tout ensemble. »

Ces plaintes, qui ne parurent pas excessives, étaient accompagnées d’un exposé ramassé et solide des raisons qui doivent déterminer les princes à appeler les ecclésiastiques dans leur conseil : « Leur profession les rend propres à y être employés, en tant qu’elle les oblige particulièrement à acquérir de la capacité, être pleins de probité, et gouverner avec prudence, qui sont les seules conditions nécessaires pour dignement servir un État. Ils sont en effet, ainsi qu’ils doivent être par raison, plus dépouillés que tous autres d’intérêts particuliers qui perdent souvent les allaires publiques, attendu que, gardant le célibat, comme ils font, rien ne leur survit que leurs âmes qui, ne pouvant thésauriser en terre, les obligent à ne penser ici-bas, en servant leur roi et leur patrie, qu’à s’acquérir pour jamais, là-haut au ciel, une glorieuse et une toute parfaite récompense. »

Nous avons déjà trouvé ces raisonnemens dans la bouche de Duperron. Il n’est pas étonnant que, sur cette question, l’ordre tout entier n’eût qu’une seule et même opinion ; mais il est à croire qu’exposée d’une voix claire par notre évêque, l’argumentation prit, dès cette date, une valeur et une autorité qui auraient pu frapper