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pourvoira donc à ces désordres, sire ? Il faut que ce soit vous… Ce que nous vous demandons, c’est un coup de majesté… » Ces paroles, adressées à un enfant de quinze ans, nous disent assez à quel point d’abaissement étaient tombées ces vieilles libertés françaises, si souvent invoquées au cours des débats. Dans cette séance solennelle, l’opposition n’avait même pu faire entendre sa voix. La fin du discours de Miron fut le dernier mot prononcé par la nation en assemblée d’États. Elle devait rester muette jusqu’en 1789.

Le roi répondit brièvement ; s’étant découvert, il dit : « Messieurs, je vous remercie de tant de peine que vous avez prise pour moi depuis quatre mois. Je ferai voir vos cahiers et les répondrai favorablement. » Sur ces mots, chacun se retira. Il était huit heures du soir ; la séance avait duré près de neuf heures.

À l’issue de cette fatigante cérémonie, les ministres devaient se sentir soulagés d’un grand poids. Pourtant, tout n’était pas fini. On avait promis aux États de répondre à leurs cahiers. Depuis des mois, on discutait sur le procédé qu’on emploierait : les ordres, tenant à leur œuvre, si mince qu’elle fût, réclamaient un engagement formel et une sanction aux promesses de la cour. Celle-ci ne cherchait que les moyens de se dérober honnêtement. La proposition originaire du clergé, tendant à ce que les principaux articles des cahiers fussent examinés au fur et à mesure des délibérations, ayant été écartée, on se trouvait en présence d’une autre proposition du tiers, plus dangereuse encore. Il demandait que les cahiers fussent étudiés par une sorte de haut conseil désigné conjointement par le roi et par les États, et que les États ne se séparassent pas avant que la réponse de ce conseil leur fût notifiée.

La cour se décida à en finir par un coup d’autorité. Elle s’était d’ailleurs assuré du concours de Miron, qui, son rôle de président du tiers fini, redevenait un fonctionnaire dépendant du pouvoir. Conformément à leurs propositions, les députés du tiers et surtout ceux qui appartenaient au parti de Condé avaient décidé de se réunir au couvent des Augustins, le lendemain de la séance de clôture, sous prétexte d’attendre, en siégeant, la réponse aux cahiers. Ils prièrent Miron de les accompagner et de prendre la parole en leur nom. Mais celui-ci répondit que le roi et le chancelier lui avaient défendu de faire aucune assemblée. « C’est alors que nous commençâmes de voir et remarquer, comme en un miroir, nos fautes passées, dit Florimond Rapine, et les plus gens de bien regrettaient infiniment la lâcheté et faiblesse de laquelle nous avions usé en toutes procédures des États. » Le lendemain, on décrocha les tentures et on ferma la porte de la salle où avaient lieu les réunions.