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de la gruerie exerçaient la surveillance, les communes usagères ayant droit au bois nommaient leurs sergens pour un an, et ceux-ci recevaient l’investiture des lieutenans.

Après la conquête française, un édit de 1692 érigea au parlement de Besançon un siège général des eaux et forêts ou table de marbre, des sièges particuliers ou maîtrises dans les principales villes ; l’ordonnance de 1669 sur les eaux et forêts fut promulguée dans la province ; elle instituait une hiérarchie compliquée avec des maîtres, maîtres particuliers, lieutenans, garde-marteaux, procureurs du roi, gruyers, greffiers, arpenteurs, huissiers audienciers, gardes-généraux, sergens à garde des forêts. Encore un argument en faveur de la thèse de Tocqueville, la centralisation retrouvée tout entière dans l’héritage de la vieille monarchie, rétablie seulement par Napoléon Ier. Seulement le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire demeuraient confondus jadis, la chambre des eaux et forêts du parlement, les tables de marbre, les maîtrises particulières et grueries formant des juridictions, chacune étant le tribunal d’appel de la précédente. La révolution française détruisit à peu près cette organisation ; la loi du 11 septembre 1790 établit la séparation des pouvoirs, mais conserva aux officiers des forêts la charge de poursuivre eux-mêmes les affaires devant les tribunaux ; la surveillance de la pêche leur fut retirée en 1862 et confiée au corps des ponts et chaussées. Gestion et surveillance des bois de l’État, des communes et des établissemens publics, de la chasse, de la louveterie, voilà aujourd’hui leurs attributions principales, auxquelles on peut ajouter la surveillance des bois particuliers au point de vue des défrichemens, et la déclaration de defensabilité des forêts grevées de droits de pâturage, parcours et glandée[1].

Le personnel, dans la Haute-Saône par exemple, se compose de : 1 conservateur, 1 garde-général sédentaire, 7 inspecteurs, 14 chefs de cantonnement (inspecteurs adjoints ou gardes-généraux), 9 préposés sédentaires ; 7 brigadiers et 17 gardes domaniaux ou mixtes, coûtant 16,800 francs, ou 2 fr. 46 par hectare et 700 francs par homme ; 40 brigadiers et 215 gardes communaux coûtant 164,936 francs, ou 1 fr. 44 par hectare et 647 francs par homme[2].

  1. On appelle révolution le nombre d’années fixé pour la régénération d’une forêt ; régime, la méthode adoptée pour obtenir la régénération ; c’est tantôt le système de la futaie ou de reproduction par la semence, tantôt le système du taillis, c’est-à-dire la reproduction par les rejets. L’aménagement est l’opération qui détermine le mode de traitement d’une forêt et qui en règle les exploitations de manière à obtenir les produits les plus conformes à l’intérêt du propriétaire. La révolution définitive varie de cent vingt à cent cinquante ans.
  2. Charles Guyot, les Forêts lorraines avant 1789, 1 vol., 1886. — M. Colomb, inspecteur des forêts, a bien voulu me communiquer un remarquable rapport sur la question, et je dois remercier aussi MM. Develle, ancien ministre de l’agriculture ; Tisserand, directeur général ; Marchand, conservateur des forêts du département du Doubs.