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appelé aux affaires par le grand-duc, résigné à toutes les concessions, et la charge de gontalonier de Florence vacante par la démission de Bettino Ricasoli. Le gouvernement la lui offrit ; il accepta et entra en fonctions le 17 novembre 1848.

Porté au pouvoir par le parti démocratique, qui espérait le gagner ou s’en faire un instrument, mais rebelle aux chimères du mazzinianisme, et attaché de cœur au parti modéré, ce gonfalonier de vingt-six ans dut faire appel à tout son tact et à son énergie. Les circonstances lui imposèrent des responsabilités et des devoirs qui dépassaient de beaucoup les attributions ordinaires de sa charge. Un instant, il se trouva l’intermédiaire entre le grand-duc et son gouvernement. Quand Léopold II, effrayé de l’agitation révolutionnaire, prit inopinément le parti de se retirer à Sienne, pour s’enfuir de là à Porto San Stefano, puis à Gaëte, Ubaldino Peruzzi fut un de ceux que le ministère envoya pour le décider à revenir. Avec une réputation d’habileté déjà faite, et fort bien en cour alors auprès du grand-duc, il paraissait avoir chance de réussir. Il échoua cependant. Le grand-duc le reçut dans son lit, feignant d’être fort malade, et lui promit qu’à peine rétabli il accourrait dans sa bonne ville de Florence. Mais c’était quelques jours avant sa lutte définitive. Ce départ, en même temps qu’il laissait le champ libre au parti républicain, grandissait singulièrement le rôle de la municipalité florentine. Le jour où le gouvernement démocratique eut lassé tous les gens raisonnables, ce fut elle qui prit en main la cause de l’ordre, se constitua en gouvernement provisoire, et entama immédiatement les négociations pour le rétablissement du grand-duc. Dans cette crise suprême, on ne rencontre cependant pas le nom d’Ubaldino Peruzzi. Il était alors gravement malade et ne put prendre part à la restauration. Mais il se rattachait aux constitutionnels ; il n’avait contre la maison de Lorraine aucune hostilité systématique ni personnelle ; le rappel du grand-duc était l’œuvre de ses amis, et il n’est pas douteux qu’il n’y eût applaudi. Je n’en veux pour preuve que son indignation lorsqu’il vit si tristement déçues les espérances de ceux qui avaient cru, par une restauration spontanée, enlever tout prétexte à l’Autriche pour occuper la Toscane, et tout prétexte au grand-duc pour révoquer ses concessions libérales. Il refusa formellement d’organiser une réception solennelle en l’honneur du baron d’Aspre, commandant le corps d’occupation autrichien. Et quand, le 21 septembre 1850, le grand-duc prononça la dissolution du parlement, et déclara que les circonstances ne permettaient pas le maintien du régime constitutionnel, Peruzzi fit voter par le conseil communal de Florence une ferme protestation. Le