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bien exposé au soleil, sur une tige de blé, d’avoine ou de seigle, une feuille saine et, sans la détacher de la tige, on l’engage dans un de ces larges tubes de verre fermés à une extrémité, désignés dans les laboratoires sous le nom de tubes d’essais ; on fixe cette feuille dans le tube à l’aide d’un bouchon de liège fendu dans sa longueur, enfin avec un support on soutient tout l’appareil. Après quelques instans, le verre se couvre d’une buée, puis de gouttelettes qui se réunissent et coulent le long des parois du tube. Si après une heure d’exposition au soleil, on pèse la feuille et l’eau condensée dans le tube, on trouve souvent que le poids de l’eau est égal à celui de la feuille. Cette évaporation formidable ne se produit que lorsque la feuille reçoit directement les radiations solaires ; à la lumière diffuse, la transpiration s’atténue, elle devient nulle à l’obscurité.

Il est facile de comprendre comment cet appareil ne fonctionne que lorsqu’il est soumis à l’influence de la chaleur rayonnante. Le verre se laisse traverser par les rayons solaires sans s’échauffer, comme le font les substances rugueuses, qui possèdent, suivant la très heureuse expression des physiciens, un grand pouvoir absorbant ; or M. Maquenne, assistant au Muséum, nous a enseigné, il y a déjà une douzaine d’années, que les feuilles ont un pouvoir absorbant considérable, et ces deux notions suffisent à nous faire concevoir comment fonctionne le tube à feuille.

Les radiations solaires traversent le verre sans l’échauffer sensiblement ; elles tombent sur la feuille, y sont absorbées et transforment en vapeur l’eau qui gorge les tissus ; bientôt l’atmosphère du tube est saturée et la vapeur se condense sur la paroi de verre relativement froide ; l’appareil fonctionne comme un alambic muni d’un réfrigérant : la feuille est la chaudière, le verre le condenseur.

Cet appareil est excellent pour donner une première idée des formidables quantités d’eau qui circulent dans les plantes herbacées ; il peut également servir à comparer, au point de vue de la transpiration, diverses espèces végétales les unes aux autres ; en mettant en expériences, au lieu de feuilles de graminées, des aiguilles de pin, des rameaux de plantes grasses, on reconnaît sans peine que leur transpiration est bien moins active que celle des plantes annuelles ou des arbres à feuilles caduques.

Quand, au lieu de chercher la quantité d’eau émise par les feuilles dans diverses conditions d’éclairement, d’âge ou d’espèce, on veut connaître la quantité d’eau consommée par une plante pendant tout ou partie de son développement, il faut en revenir à des pesées régulièrement espacées, de vases arrosés à intervalles fixes. Cette