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sel. L’an dernier, un troupeau alimenté pendant tout l’hiver avec des marcs s’est très bien comporté, et l’agnelage a eu lieu régulièrement.


VII

Bien que la sécheresse de l’année 1893 soit absolument exceptionnelle, ce n’est pas la première fois que le bétail est réduit à la portion congrue par la disette de fourrages, et il est curieux de voir qu’à un siècle d’intervalle des circonstances analogues provoquent des conseils identiques. Le premier volume du recueil de la Société royale d’agriculture, publié en 1785, renferme un mémoire sur l’utilisation des feuilles d’arbres à la nourriture du bétail ; elles offrent, en effet, une ressource importante dont on est bien loin de profiter habituellement autant qu’il le faudrait, mais que notre détresse actuelle nous forcera d’utiliser. Depuis des siècles cependant on ébranche les frênes, on réunit leurs rameaux en fagots qu’on sèche et qu’on emploie pendant l’hiver ; les saules, taillés en têtards, sont effeuillés chaque année et les feuilles servent à la nourriture du mouton. Nous savons en outre, que depuis la plus haute antiquité, l’emploi des feuilles d’arbres a été recommandé. Pline et Columelle nous apprennent que les Romains conservaient pour l’hiver de grandes provisions de feuilles ; plus récemment, Olivier de Serres, le père de l’agriculture française, donne les feuilles à titre de friandise, à laquelle le bétail aime autant que l’avoine. » Au commencement du siècle, A. Thouin, professeur au Muséum, cherche à réaliser expérimentalement la haie à fourrage ; malgré tout, ces sages conseils ont été peu écoutés, et ce n’est que dans un petit nombre de contrées que s’est perpétuée l’habitude d’utiliser à l’alimentation du bétail les feuilles des arbres.

Tout récemment cependant, M. A.-Ch. Girard, chef des travaux chimiques à l’Institut agronomique, a consacré à l’étude de cette importante question un très intéressant mémoire[1] qui ne pouvait venir plus à propos. Toutes les feuilles fraîches ne sont pas comestibles ; les animaux refusent les feuilles de châtaignier ; il faut se garder de leur donner les feuilles d’if, qui sont vénéneuses ; on doit proscrire encore celles du noyer, du fusain d’Europe, de l’ailante, des lauriers-rose et cerise, du sumac, du cytise faux ébénier ; enfin, au premier printemps, les feuilles de chêne doivent être rejetées ;

  1. Annales agronomiques, t. XVIII, p. 513-561. C’est dans le même recueil, t. xix, que se trouvent les travaux de M. Müntz sur l’utilisation des feuilles de vigne et des marcs de raisin à l’alimentation du bétail.