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survécu et qui prospèrent, reposent sur certaines règles très restrictives et qui dénotent, au moins en ce qui concerne les employés, une sorte d’absence de cordialité ou une suspicion poussée à l’extrême.

Nous allons maintenant dire quelques mots de l’Association coopérative socialiste le Vooruit de Gand. D’après l’exposé qui en est fait par M. Anseele, le célèbre socialiste belge, dans l’Almanach de la Coopération française pour 1893, « ce qui caractérise surtout, en Belgique, la coopération, c’est qu’elle est l’œuvre des socialistes qui se servent d’elle pour propager leurs idées ». Cette formule devrait être élargie, en ce sens que les sociétés coopératives sont, pour la plupart, en Belgique, un instrument des partis politiques, puisque, en face des coopératives socialistes, il y a de très grandes sociétés coopératives catholiques.

C’est en 1873 que l’on trouve le germe de la Société le Vooruit. Trente ouvriers, des tisserands et des fileurs surtout, aidés de quelques artisans, décidèrent la création à Gand d’une boulangerie coopérative ; c’étaient, la plupart, d’anciens membres de la section gantoise de l’Association internationale des Travailleurs qui, après avoir groupé à Gand des milliers d’ouvriers, avait périclité à la suite de la Commune de Paris. Pendant dix semaines ils épargnèrent chacun 50 centimes hebdomadairement, de sorte qu’ils purent apporter chacun 5 francs comme premier fonds, soit 150 francs en tout. Les mêmes hommes et au même moment reconstituèrent la section gantoise de l’Internationale, liant ainsi l’action politique à l’action économique. « Les deux institutions, dit M. Anseele, Coopérative et Section de l’Internationale, s’entr’aidèrent. Les Internationalistes montraient aux ouvriers la Coopérative comme étant leur œuvre. » Ils ne négligeaient pas, toutefois, de déclarer que « la Coopérative seule ne peut résoudre la question sociale et qu’il fallait poursuivre, avant tout, la conquête des droits politiques ». Les débuts de la boulangerie coopérative furent difficiles ; pendant le premier semestre le bénéfice réalisé fut presque nul ; pendant le second, il atteignit 6 centimes par pain. M. Anseele néglige de nous dire le nombre de kilogrammes qu’un pain représente ; mais, d’après d’autres passages, il semble ne s’agir que d’un seul kilogramme.

Les statuts de la Société étaient très rigoureux ; car la nouvelle coopérative décida que non seulement elle ne vendrait pas à crédit, mais que les membres seraient obligés de payer leur pain d’avance pour une semaine. Ecoutons M. Anseele. « Des années s’écoulèrent avant que la Coopérative nouvelle prît une extension significative. Mais, entre temps, le mouvement socialiste s’était fortement développé… Les hommes qui avaient fondé la