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à l’action coopérative. Les seuls chiffres que fournit M. Anseele sur la situation de la Société sont que, en 1884, lors de l’inauguration des nouveaux locaux, on cuisait 32000 pains d’un kilogramme par semaine, et qu’en 1891, la cuisson hebdomadaire était arrivée à 67 ou 70000 kilogrammes par semaine : le nombre des membres était de 2 200 en 1887, ayant baissé de 200 par suite de la concurrence d’une grande Coopérative catholique, le Volksbelang (l’Intérêt populaire).

Pour devenir membre du Vooruit, il suffit de se faire inscrire et de payer 25 centimes, moyennant quoi on reçoit un « livret règlement de sociétaire ». On achète un certain nombre de jetons de pain ou de charbon pour la consommation d’une ou plusieurs semaines. Lors du premier partage semestriel des bénéfices, on retient un franc qui forme la quote-part de l’associé dans le capital social. Les membres âgés de moins de 60 ans et ceux qui ne sont pas atteints d’une maladie incurable sont obligés de faire partie d’une caisse d’assurance mutuelle contre la maladie, moyennant une cotisation hebdomadaire de 5 centimes. Après six mois d’adhésion, les malades ont droit pendant six semaines aux soins médicaux et pharmaceutiques et reçoivent pendant le même temps 6 pains par semaine. Les bénéfices sont répartis non pas en espèces, mais en jetons qui servent à acheter du pain et les autres consommations vendues par la Société.

La présence des membres aux assemblées générales trimestrielles est de rigueur sous peine de 25 centimes d’amende. La Société est gérée par un conseil d’administration dont les séances sont publiques ; on ne nous indique pas les conditions d’origine de ce conseil.

Telle est cette curieuse société : le succès, surtout le succès ostensible, a été énorme. Il s’est formé des sociétés coopératives analogues à Bruxelles, à Anvers, à Jolimont, à Liège, à Bruges, à Menin, dans le Borinage, « qui toutes se déclarèrent socialistes dès le début et s’affilièrent au parti ouvrier[1] ».

En face, se sont constituées des associations dites coopératives catholiques, comme ce Volksbelang, dont parle M. Anseele, qui surgit à Gand en 1887, au capital de 150 000 francs, beaucoup augmenté depuis lors. L’importance de cette somme initiale dit qu’il ne peut s’agir là de capitaux populaires et qu’on se trouve plutôt en présence d’institutions de patronage. Les coopératives catholiques enrayèrent un peu le développement des coopératives socialistes. Au dire de M. Anseele, le Volksbelang vendait son pain à meilleur marché que le Vooruit ; il remettait les jetons au domicile des membres,

  1. Almanach de la Coopération française pour 1893, pp. 45-54.