Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on peut lire dans la presse ; de là ces appréciations en sens divers de la note, désormais fameuse, de M. Gréard.

À vrai dire, la plupart s’en tiennent à un jugement d’ensemble. On approuve en bloc, ou bien l’on condamne. D’examen motivé, prenant une à une les modifications proposées, il n’y en a pas eu à ma connaissance. Et cependant en cette matière le détail est l’important. En d’autres circonstances, je n’aurais pas songé à demander l’attention du lecteur pour une enquête où quelques-uns des points controversés sont de valeur microscopique ; mais il en est un peu des minuties orthographiques comme des infiniment petits dans la nature : chacune en particulier n’est rien ; ce qui en fait l’importance, c’est leur nombre. Parlons-en donc une fois pour toutes, et parlons-en avec sérieux : c’est peut-être pour en avoir trop plaisanté que beaucoup de gens se trouvent aujourd’hui pris au dépourvu.

Je dirai d’abord qu’il faut approuver M. Gréard d’avoir ramené l’Académie vers un objet qu’elle avait un peu oublié, et qui, grâce à l’abandon où elle l’avait laissé, s’en allait à l’aventure aux mains du premier venu. Il semble qu’un corps ne doive jamais se détacher entièrement des obligations pour lesquelles il a été primitivement établi. Même alors que des devoirs d’une autre sorte et d’espèce plus relevée viennent se surajouter à la destination première, la marque d’origine doit subsister. C’est ainsi que chez les nations où la tradition n’a pas subi de trop fortes secousses, les dignitaires de l’État, autrefois simples serviteurs du souverain, remplissent encore à l’occasion l’utile et modeste emploi pour lequel leur charge avait été créée.

Un autre avantage qu’on peut trouver à ce rapport, c’est que la discussion sait enfin où se prendre. Nous n’avons plus affaire à quantité de propositions diverses, partant au hasard de tous les coins de l’horizon, bourrées d’idées hétéroclites. C’est l’Académie Française elle-même, représentée par un de ses membres les plus considérés, qui prend la parole et qui met à l’étude un certain nombre de principes, sur lesquels elle se déclare prête à accepter le débat. Aux lieu et place d’un meeting anarchiste, nous avons une discussion réglée et dirigée.

Il est vrai qu’un long repos a eu pour suite quelque incertitude dans les premiers mouvemens de l’illustre Compagnie. Devant la tâche qu’on lui présentait, elle est restée, dit-on, un peu hésitante. Donner un avis, — un avis décisif, — sur « les voyelles composées », sur « les doubles et triples consonnes », peut-être certains membres se disaient-ils à part eux que la question n’était pas mûre. Le rapporteur lui-même, qui devait être le leader de la délibération, apportait plutôt ses qualités bien connues de modé-