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dans les instructions données à Paris[1]. En fait, M. le Prince, rétabli en ses biens, honneurs et dignités, aurait dû renoncer au gouvernement de Guyenne et à la charge de grand-maître ; aucune garantie ne lui était accordée. Grand fut l’émoi du comte de Fiesque[2]. éclairé par lui, don Luis veut rouvrir la discussion. De Lionne essaie de lui fermer la bouche. L’autre tient bon. On reprend certains articles; la discussion recommence, s’égare, et en somme n’aboutit pas[3].

Il fallait sortir de ce chaos. Les ministres espagnols voulurent consulter le prince de Condé, et de Lionne demanda de nouvelles instructions à Mazarin. Les conférences furent suspendues pendant un mois. La réponse de Mazarin partit de La Fère le 15 août[4]. Il ne veut entendre parler d’aucune concession et gourmande de Lionne : « Quoi ! vous aviez demandé vos chevaux, — Et vous aviez bien fait, — quand on vous fit difficulté sur Arras, et vous cessez de les demander quand on vous prie d’envoyer un courrier pour savoir la volonté du Roy sur ces points indécis, et qu’on veut apprendre les intentions de M. le Prince sur ce qui le regarde !… Si la paix ne peut se conclure, il sera à propos de rompre sur la question du prince de Condé. »

Le cardinal avait bien compris que la paix ne se conclurait pas. Ses nouvelles instructions sont réglées sur cette prévision. Avant de rompre, il faut que son représentant ait le temps de reprendre ou de mettre à néant toutes les concessions qu’il peut avoir déjà plus ou moins consenties, afin que le terrain se trouve complètement déblayé lorsqu’on entamera une nouvelle négociation. De Lionne entre à pleines voiles dans le jeu du ministre.

M. le Prince ne semblait pas plus confiant dans le résultat des nouvelles conférences. Il se contenta de présenter, sous la forme d’un « mémoire à consulter », le relevé de tous les emplois dont il réclamait la restitution pour lui et ses amis, le compte de ses diverses créances sur le roi et la reine-mère, avec des demandes d’indemnités pour les dommages causés, le tout grossi, amplifié, et accompagné d’une clause qui semblait mettre un terme à toute idée d’accord : « Il faut aussy que dans le traitté il y ayt un article qui dise que l’on ne pourra m’obliger d’aller à la cour pour quelque prétexte que ce soit, et que, si on me le commandoit, je pourroy ne le pas faire sans qu’on me le puisse imputer à désobéissance[5]. »

  1. 1er juin 1656. A. E. (Affaires Etrangères).
  2. Représentant du prince de Condé à Madrid.
  3. De Lionne à Mazarin. 6, 9, 10, 11, 14, 17 juillet 1656. A. E.
  4. A. E.
  5. Mémoire de M. le Prince, 27 août 1656. A. E.