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On croira sans peine qu’il n’était pas facile de pouvoir mener à bien de minutieuses recherches dans une auberge de village, et de quel village ! Pour mille raisons, l’étude des êtres marins n’était accessible qu’à une petite élite de savans passionnés. Chaque découverte, du reste, posait des problèmes difficiles et complexes, et l’on sentit tout de suite que pour les résoudre il fallait associer de nombreux efforts. La création d’efficaces moyens de travail apparut comme la chose urgente, et l’œuvre scientifique par excellence se présenta sous la forme d’une question de matériel.

À un impérieux besoin est venu correspondre comme organe nouveau le Laboratoire maritime. Par quel mécanisme ? C’est ce que je voudrais dire en quelques pages. Il est probable que le but à atteindre a été entrevu à la fois par plusieurs esprits ; mais dans le domaine de la pratique, si l’idée est quelque chose, l’application est bien davantage, et si déjà des questions de priorité ont pu se poser à ce propos, nous les laisserons de côté comme indifférentes, poursuivre plutôt jusqu’au succès actuel les efforts des deux premiers artisans de cette œuvre, de ceux qui jusqu’ici en ont poussé le plus loin la réalisation, c’est-à-dire M. de Lacaze-Duthiers en France et M. Dohrn en Italie. Je sais bien qu’il n’est pas d’usage d’associer dans une égale admiration ces deux hommes éminens ; je sais même qu’il est plutôt « reçu » de les opposer l’un à l’autre ; mais c’est une tradition à laquelle je prendrai la liberté de ne pas me conformer : j’espère qu’ils me le pardonneront l’un et l’autre.


I

Napoli ! Napoli ! Au sortir du vacarme de la plus tumultueuse des gares, tout ce qu’il faut voir hante déjà l’esprit. C’est la ville et le musée, le Vésuve, Pompéi, Pausilippe, Sorrente, les îles divines d’Ischia et de Capri ; combien de choses encore ! Mais remettant le reste à plus tard, le zoologiste descend d’abord le long de la Chiaia, à travers les jardins de la Villa nationale, jusqu’auprès d’un grand bâtiment d’aspect neuf, aux larges baies cintrées. Son air recueilli fait un assez frappant contraste avec la gaîté et l’agitation ambiante, et les mots de Stazione zoologica le désignent comme l’un des organes dont nous parlions à l’instant, avec lesquels la science contemporaine perçoit les phénomènes de la vie marine.

Bien que située en terre italienne et dénommée en italien, la station est dirigée et a été fondée par un Allemand : M. Anton Dohrn. Il y a environ 25 ans, M. Dohrn, tout jeune docteur alors,