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signant la lettre que vous m’avez envoyée ; c’estoit me mettre en péril de l’honneur et de la vie. Bruslez toutes les lettres que vous avez de moy, et escrivez moy que vous les avez bruslées, sur vostre parole et vostre honneur[1]. »

C’était bien la clôture. La correspondance continue, s’égare. Condé rêve de soulèvemens qui seraient prêts à éclore, veut rechercher M. de Beaufort, décider le vieux et pacifique Longueville à se mettre à la tête du mouvement. Ce sont de ces chimères si souvent enfantées par le cerveau des proscrits. Aucune ville ne suivit l’exemple de Hesdin, aucun officier de marque n’imita Hocquincourt. Les agitations provoquées par la misère en Guyenne et autres provinces n’eurent aucune durée. Le silence se fait, un moment interrompu par un échange de courtoisies, lorsque Louis XIV faillit mourir à Calais après la bataille des Dunes, contre-partie des messages envoyés de la cour pendant la maladie de Condé[2].

Mme de Longueville avait mis tout son cœur dans la négociation ; elle resta inconsolable de l’échec, échec qu’elle attribuait à la violence et à la mobilité de son frère. Six mois plus tard, elle exprimait encore sa douleur à Viole[3]. Il fallut renoncer au rêve de l’accommodement direct. Déjà la partie était liée sur un autre terrain, et la négociation de la paix générale allait prendre un tour tellement sérieux que les tentatives d’arrangemens personnels se trouvent rejetées dans l’ombre et dans l’oubli.


IV. — MISSION DE LENET EN ESPAGNE, SEPTEMBRE 1658. — DON LUIS DE HARO. — COMBAT DE GÉNÉROSITÉ.

Muni par Condé de longues instructions, Lenet quittait Francfort après l’élection de l’empereur, et, poursuivant sa route, s’arrêtait vers la fin de septembre (1658) sur les bords de la Guadiana, au fond de l’Estramadure, au milieu des ruines imposantes de la Rome espagnole. C’est à Mérida que le premier ministre du

  1. 24 mai 1658. A. C. — Auteuil ne brûla rien et rendit plus tard les lettres à M. le Prince, puisque nous les retrouvons dans ses papiers. Mais M. le Prince avait brûlé tout ce qu’il avait reçu du comte d’Auteuil, et il n’en est rien resté.
  2. Le Tellier à M. le Prince, 22 juillet. — M. le Prince à d’Auteuil, 23 juillet 1658. A. C, etc.
  3. Lettres des 9 octobre et 4 décembre 1658. A. C. — Mme de Longueville se plaignait du traitement fait « au pauvre correspondant ». Selon elle, M. le Prince aurait voulu rendre d’Auteuil responsable de propositions inopportunes. Cependant tous les d’Auteuil furent constamment bien traités dans la maison de Condé. — Il faut croire que la conduite de d’Auteuil n’avait pas déplu au cardinal ; car aussitôt l’affaire terminée et définitivement manquée, le roi accorda à d’Auteuil son rétablissement entier (Mazarin au duc de Longueville, 23 mai 1658. A. C). M. le Prince avait approuvé les démarches de d’Auteuil et trouvait bon qu’il demeurât à Paris et à la cour (lettres du 24 mai et du 12 juin 1658. A. C).