Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie maritime des grands fleuves, ont alors voulu devenir de grands ports. Amsterdam ne communique avec la mer que par l’étroit passage du Helder et le Zuiderzée, lequel n’a pas la profondeur exigée par la marine d’aujourd’hui ; l’ancien canal du Nord-Holland, qui débouche à Nieuwe-Diep, n’est plus accessible qu’aux petits caboteurs, et l’une et l’autre voie imposent d’ailleurs un long détour à la navigation. C’était à bref délai, au profit de Rotterdam, d’Anvers et des ports allemands, la décadence de la Venise du Nord, de cette grande et belle cité, aux siècles passés métropole maritime de l’Europe entière.

Le canal d’Ymuiden, creusé en droite ligne à travers des polders et des dunes, débouchant hardiment sur la côte sablonneuse de la mer du Nord, ouvre aujourd’hui l’accès d’Amsterdam aux grands navires transatlantiques. Il n’a que 24 kilomètres de long ; sa profondeur est de 7m, 75 et sa largeur au plafond de 32m, 20, dimension beaucoup plus rationnelle que celle de 22 mètres, qui ne permet pas le croisement de deux vapeurs de dimensions ordinaires.

Le canal d’Ymuiden a coûté 60 millions de francs, et l’entretien de son avant-port, assiégé sans relâche par des flots chargés de sable et de vase, coûte à peu près un million de francs annuellement. Le produit des péages ne couvre encore complètement ni les frais d’entretien ni les intérêts et l’amortissement du capital de premier établissement. Mais le commerce d’Amsterdam, les industries qui s’y rattachent, trouvent leur compte dans la diminution des frais de transport et le plus facile accès des navires.

Des considérations du même genre ont déterminé Manchester à entreprendre, pour se mettre en communication avec la grande navigation transatlantique, une œuvre d’une tout autre importance que le canal d’Ymuiden.

Manchester est aujourd’hui le centre de la région la plus peuplée et la plus productive du globe entier. Sur 1 850 kilomètre carrés, — le tiers à peine de la superficie de notre département du Nord — vivent près de 4 millions d’habitans, soit une densité de 2108 habitans par kilomètre carré, plus grande dix-neuf fois que celle du reste de l’Angleterre, et treize fois plus que celle de la Belgique, dont la population passe pour être la plus dense du monde[1]. La grande industrie cotonnière, celle des produits chimiques, l’exploitation des houilles du Lancashire et du South-Yorkshire, celle des salines du Cheshire, les usines métallurgiques, les fabriques de poteries du Straffordshire, occupent cette laborieuse

  1. La densité de la population française est d’environ 72 habitans par kilomètre carré. Celle du département du Nord est de 293 habitans sur la même unité superficielle.