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encore, quittait la coalition pour se rapprocher de la France. Et la France victorieuse, respirant enfin après ces longues guerres, se retrouvait unie, délivrée de la lutte des partis par la réconciliation de Condé. Ce résultat est assez grandiose et suffit à immortaliser la mémoire de Mazarin.

M. le Prince se montre satisfait de ce qu’il vient d’obtenir, sans oublier Chantilly dans son tableau. Pour ses amis, il aurait voulu plus ; mais s’ils sont exclus de leurs anciennes charges, ils rentrent dans leurs biens et honneurs ; ils sont réhabilités et déclarés capables de toute espèce de charges ; quant à celles qu’ils perdent, ils en peuvent être récompensés de l’Espagne et en recevoir la valeur, que don Luis promet de payer comptant. « Il me semble que je sors de tout cecy assez bien et glorieusement[1]. »

Glorieusement, c’est beaucoup dire ; la gloire mal acquise ne doit pas entrer en compte. Quantum pœnituit ![2] L’honneur était sauf, Condé acceptait le pardon sans bassesse, sans avoir trahi ses alliés, ni sacrifié ses amis. Il conservait son rang, recouvrait ses terres et restait dans le service ; son nom se trouve attaché à la restitution de Rocroy, Linchamp, Le Catelet, à l’acquisition d’Avesnes, à la rectification de nos frontières du Nord et du Midi.

Il a souffert, traversé de cruelles épreuves ; sa ruine financière paraît complète ; mais il n’est pas abattu et porte la tête haute ; les leçons du malheur ne sont pas perdues pour lui ; c’est un homme nouveau qui va rentrer en France.


H. D’ORLEANS.

  1. M. le Prince au comte d’Auteuil, 16 octobre 1659. A. G. — Le traité n’était pas encore conclu ; mais les « articles de M. le Prince » étaient signés et lui avaient été communiqués.
  2. Tableau de Chantilly.