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vraisemblance, sa ligue de faîte finira par servir de frontière aux deux grandes puissances, depuis son extrémité orientale, à la frontière chinoise, jusqu’à l’extrémité occidentale du Kafiristan, vers 68° de longitude. Plus à l’est, le Karakoroum, haute chaîne parallèle à la direction de l’Himalaya, mais plus septentrionale, et qui constitue la ligne de partage des eaux entre le versant indien et le versant kachgarien ou chinois, semble devoir former le prolongement de cette frontière dans la direction de l’est jusqu’au Thibet, en attendant que la Chine occidentale devienne elle-même un objet de compétition entre l’Angleterre et la Russie.

À l’ouest du 68e degré, le partage de l’Afghanistan, interposé comme un coin entre les possessions des deux grands peuples, reste encore indécis. La frontière de l’Hindou-Kouch, dans cette partie occidentale, n’est plus atteinte ni par l’Inde ni par la Russie. Les deux versans de cette partie de la chaîne appartiennent aux Afghans.

Mais l’Afghanistan ne semble pas devoir rester longtemps indépendant, et il paraît destiné à être, dans un avenir très prochain, partagé entre ses puissans voisins les Russes et les Anglais.

Comment se fera le partage ? Il est difficile de le dire, car les deux nations ont des titres pour appuyer leurs prétentions ; cependant le sort de deux provinces paraît dès à présent nettement indiqué. De même que les Russes peuvent revendiquer le Turkestan afghan, arrosé par les rivières mortes qui aujourd’hui se perdent dans les sables, mais qui autrefois ont été des affluens de gauche de l’ancien Oxus, de même l’Angleterre, maîtresse de la vallée de l’Indus, peut prétendre y annexer tout le quart oriental de l’Afghanistan, formé par les bassins des rivières qui se déversent dans le bas Indus, après avoir franchi, par des défilés étroits, la barrière montagneuse qui porte le nom de Monts Soliman et que les Anglais, après la dernière expédition d’Afghanistan, ont adoptée comme limite en lui donnant le nom provisoire de frontière scientifique de l’Inde. Ces deux acquisitions sont à peu près équivalentes au point de vue de la superficie territoriale. Elles comprennent de part et d’autre le quart de l’Afghanistan actuel, c’est-à-dire que sur la surface de ce pays, qui forme aujourd’hui à peu près un carré dont les quatre faces sont orientées vers les quatre points cardinaux, elles prélèvent deux tranches d’égale largeur, l’une sur le bord septentrional et l’autre sur le bord oriental. Peut-être le lot de l’Angleterre serait-il un peu plus considérable, dans cette combinaison, que celui de la Russie. L’Inde recevrait Kaboul, capitale actuelle du pays, ainsi que Gandamak, Djellalabad, et tout le bassin de la rivière Kaboul. Plus au sud, elle recevrait également