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pas destinés ; et le cabinet n’a disparu que pour être remplacé par un autre plus solide, plus uni, dont le chef sera, dit-on, M. Spuller, et où nous regretterons seulement l’absence de M. Dupuy et celle de M. Casimir Périer, désigné par l’opinion pour le remplacer en ce poste, mais qui préfère sans doute se réserver pour des destinées plus hautes encore.

Une des premières questions dont le Parlement devra s’occuper au cours de la session qui commence est l’arrangement auquel vient d’aboutir la conférence monétaire qui a siégé à Paris du 11 octobre au 15 novembre. Comme on y travaillait à huis clos, les imaginations ont pu se donner carrière, et d’ingénieux nouvellistes se sont mis, un jour, à faire courir le bruit que le gouvernement français allait prêter ou même donner cent millions au gouvernement italien, pour l’aider à nous faire la guerre. Il va sans dire que rien ne justifiait cette absurde hypothèse.

La convention intervenue nous paraît, au contraire, fort avantageuse pour la France, comme pour la Belgique et la Suisse, qui l’ont également signée. Nous allons rendre à nos voisins d’au-delà des Alpes, ou plutôt nous allons leur vendre, avec l’espoir de ne les revoir jamais, ces innombrables pièces de 2 francs, 1 franc et 0 fr. 50, à l’effigie de Victor-Emmanuel ou du roi Humbert, dont la baisse du change et les spéculations qu’elle engendre ont provoqué l’émigration en masse et qui gonflent inutilement notre circulation divisionnaire. C’est là une monnaie trois fois dépréciée, par la baisse de l’argent (près de 50 pour 100), par l’infériorité du titre (835 millièmes au lieu de 900) et par l’usure des pièces, qui bientôt permettrait à l’État qui les a émises d’en renier la paternité.

Malgré cette triple dépréciation, le gouvernement italien a dû s’engager à nous rembourser moitié en or, moitié en billets de la Banque de France ou en traites équivalentes, les 70 ou 80 millions de francs auxquels les statisticiens croient pouvoir chiffrer la valeur nominale des petites monnaies d’argent italiennes circulant en France. L’Italie n’en recevra que pour quelques millions à la fois, et elle paiera comptant ou peu s’en faut. Elle ne pourra d’ailleurs obtenir un nouvel envoi qu’après avoir soldé le précédent. D’autre part, elle est obligée de reprendre au moins 35 millions par trimestre ; de sorte que l’opération ne saurait durer plus d’un an, y compris le délai de quatre mois qui sera assuré aux particuliers pour aller échanger aux guichets de nos caisses publiques les petites effigies italiennes dont ils se trouveront détenteurs.

Ajoutons que, du jour même où, sans avoir quitté la France, ces monnaies y auraient été immobilisées, l’Italie nous paiera une indemnité calculée sur le pied de 2 1/2 pour 100, et que ce taux serait porté à 3 1/2 dix jours après la livraison, si les couvertures n’avaient pas