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la Banque d’Italie — de toutes les dettes et de tout le mauvais papier des anciennes banques d’État du royaume, à l’exception des anciens Monti de Naples et de Sicile, qui conservent leur autonomie. M. Giolitti s’était vivement opposé à cette publication, de nature, disait-il, à empêcher la lumière de se faire tout entière, mais dont il espérait, en réalité, prévenir les scandales.

En effet, un certain nombre de pièces compromettantes pour divers hommes politiques, tout d’abord saisies, ont été plus tard soustraites à l’instruction. Malgré tout, le public était parvenu à connaître une partie de la vérité. Un des membres du comité d’enquête, M. Bovio, qui avouait « avoir des nausées » de la besogne à laquelle il se livrait, menaçait ouvertement, le 9 janvier dernier, de faire des révélations écrasantes sur les sénateurs, députés ou ministres coupables d’avoir usé de la corruption pour gouverner ou de s’être laissé corrompre eux-mêmes. M. Tanlongo, l’ancien gouverneur de la Banque Romaine, déclarait, dans son interrogatoire, avoir donné trois millions à un ancien président du conseil. On annonçait qu’une centaine de hauts personnages très en vue laisseraient dans ce malheureux procès plus d’un lambeau de leur réputation.

Le rapport, aujourd’hui public, a confirmé la plupart de ces faits, qui, malgré la fuite plus ou moins facilitée de certains détenus que le ministère n’osait relâcher, malgré les arrêts de non-lieu rendus en faveur de plusieurs accusés dont la culpabilité semblait hors de doute, contribuent à jeter un profond discrédit sur une partie du personnel qui a dirigé, depuis plusieurs années, les destinées de l’Italie. Il semble décidément que nos scandales du Panama soient de beaucoup dépassés, et que c’est en Fiance, et non au-delà des Alpes, qu’ait eu lieu le Pauamino.

Sans vouloir atténuer la part de responsabilité des derniers ministres du roi Humbert dans cette triste affaire, les millions extorqués à la Banque Romaine par des députés qui vendaient leur vote, n’auraient pas suffi peut-être à leur attirer une chute aussi éclatante. La déplorable situation financière du pays n’y a pas été étrangère, et la Chambre, en rentrant de vacances, a passé sur le cabinet sa mauvaise humeur. M. Gladstone écrivait, en septembre 1889, dans la Contemporary Review : « En moins de vingt-cinq ans de paix, depuis son indépendance, l’Italie a trouvé moyen de tripler ses impôts, d’avoir une dette aussi forte que celle de l’Angleterre, et de se trouver à deux pas de la banqueroute. » La jeune Italie n’a certainement pas contracté tous les emprunts dont elle paie l’intérêt ; elle a recueilli les charges de la plupart des États qu’elle remplaçait ; mais elle y a ajouté un contingent formidable de charges nouvelles.

Il y a un an environ, au moment où le cabinet actuel arrivait aux affaires, son chef déclarait bien haut, dans une harangue demeurée