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y substituant moins prudemment celle-ci : « Qu’à l’avenir il ne soit plus renvoyé d’ouvriers ayant encouru une condamnation, autant que celle-ci n’aura pas porté préjudice à la compagnie. » Le syndical s’aperçut le lendemain qu’il avait oublié les ouvriers du jour. Il importait cependant de les attacher à la cause des ouvriers du fond, non pas seulement pour faire nombre et les associer à la grève, mais pour gêner les charbonnages dans l’expédition des approvisionnemens, qu’on disait être considérables, et dans l’exécution de leurs marchés. Aussi, sans avoir recours à une nouvelle assemblée et sans solliciter un vote complémentaire, le syndicat en vertu de son pouvoir absolu prit sur lui de réclamer pour les ouvriers du jour une augmentation de salaire « proportionnelle à celle sollicitée par leurs camarades du fond ». Le bon sens dans cette lettre n’était pas plus respecté que la langue française. Cette prétention d’intervenir pour fixer les salaires d’ouvriers étrangers au syndicat ne marque pas un esprit bien éclairé sur l’étendue de ses droits. Pourquoi ne pas couvrir d’une même sollicitude les ouvriers qui construisent les machines, les maçons qui bâtissent les corons, les charpentiers et les couvreurs ? Les administrateurs des sociétés minières, quand ils reçurent celle seconde lettre, durent être un peu surpris de découvrir tant de gens portés à s’ingérer dans les affaires d’autrui.

À l’ultimatum du syndicat les compagnies avaient envoyé leurs réponses le 14 ; il fut donc possible de tenir le soir la séance qui avait été annoncée. Toutes ces réponses étaient sur tous les points négatives ; toutes les « revendications » étaient repoussées, les unes brièvement, sèchement, les autres accompagnées d’explications qui auraient dû suffire à des esprits droits et sans parti pris. Sur la question du double carnet de paye : Les directeurs ou agens généraux disaient qu’il appartenait aux ouvriers seuls de faire connaître le montant de leur salaire. C’est à eux qu’il appartient d’en faire part au syndicat. Les ouvriers non syndiqués y sont hostiles. Les ouvriers peuvent toujours contrôler l’exactitude de leurs comptes d’après les bulletins qui leur sont remis. — Sur l’augmentation des salaires : Elle est impossible en ce moment où le charbon est à vil prix par suite de la diminution du prix de la main-d’œuvre dans les pays étrangers. Toutes les sociétés ont d’ailleurs exécuté fidèlement la convention d’Arras. C’est la prétention du syndicat qui la viole. — Suppression du renvoi des ouvriers âgés de plus de 40 ans : Dans plusieurs mines le cas ne s’est jamais présenté, dans d’autres, très rarement et pour causes graves ; à Lens, « en cinq ans sur un nombre de plus de 6 000 ouvriers il n’en a été l’envoyé que 28 : 8 pour condamnations à la prison, 4 pour vols et fraudes au préjudice de la Société, 10 pour