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nient, en augmentant la taxe sur le sol des propriétés bâties, dont la valeur s’accroît sans cesse dans les villes, et en dégrevant le sol rural, qui, pour le moment, subit une crise dont nous ne sommes pas près de voir la fin. Déjà, du reste, il y a quelques années, on est entré dans cette voie, et ce n’est évidemment pas une suppression radicale de l’impôt des terrains non bâtis que M. Casimir Perier peut avoir en vue, puisqu’il s’était, si nous ne nous trompons, déclaré hostile à cette mesure lorsqu’il n’était que simple député.

Nous ne savons donc ce que la déclaration ministérielle veut dire par cette « richesse acquise », qu’elle entend surtout viser. S’agit-il d’un impôt sur le capital que révérait M. Burdeau, à l’imitation de la Hollande ? M. Goblet, lui aussi, disait, dans une séance récente, qu’il « n’y a qu’un moyen de se procurer de l’argent : c’est de le prendre là où il est, c’est-à-dire sur la richesse… » Il tombe sous le sens que l’on ne peut prendre l’argent où il n’est pas. Le vieil adage de la monarchie absolue prouve lui-même que le roi, où il n’y avait rien, se reconnaissait incapable de trouver quelque chose.

M. Casimir Perier ne prétend sans doute pas cueillir cet argent de la même façon que M. Goblet ; je crois pour ma part que le budget des recettes est très susceptible de réformes, et j’aurai sans doute l’occasion de m’en expliquer quelque jour ; mais, avant d’y procéder, on ne saurait trop se pénétrer de cette vérité : que les impôts ne sont nullement payés par ceux qui les acquittent en apparence. Les pauvres rejettent sur les riches une partie de l’impôt qu’ils paient : les riches rejettent sur les pauvres une partie des contributions qu’ils supportent. Ce chassé-croisé se fait au moyen d’une majoration plus ou moins grande des consommations et des salaires. C’est sur ce sujet primordial que doivent porter les méditations de ceux qui s’occupent des finances de l’État, sous peine de faire fausse route.

Puis, avant de remanier le budget des recettes, que nos ministres regardent un peu, s’il leur plaît, au budget des dépenses ! Qu’ils considèrent le chiffre de notre dette que l’on n’amortit plus, qui au contraire grossit toujours, à telle enseigne que l’on commence à parler d’un nouvel emprunt pour la fin de l’année prochaine. La première, la plus urgente des réformes, c’est un budget en solide équilibre, un crédit public au-dessus de toute atteinte. Non-seulement il faut fermer le grand-livre de notre dette consolidée, qui atteint 32 milliards, c’est-à-dire plus du double de celle de l’Angleterre, et est à peu près égale à celle des États de la Triple-Alliance, mais il convient d’en reprendre l’amortissement sur la base d’une centaine de millions par an au minimum. Le précédent ministre des Finances avait fait à ce sujet des promesses positives, et nous ne voulons pas douter que son successeur n’ait à cœur de les tenir.

D’autre part, on sait avec quelle difficulté, au moyen de quels expé-