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escadres britanniques : partout il s’était joint ouvertement à nos ennemis. Vainement l’Espagne, lorsqu’elle conclut avec la France le traité de Saint-Ildefonse en 1796, avait conseillé au Portugal de fermer ses ports à la marine anglaise ; vainement elle avait, quatre ans plus tard, le 29 janvier 1801, signé la convention de Madrid dont l’objet précis était de dégager le royaume voisin de ses liens séculaires avec le cabinet de Londres. Le prince régent persista dans son attitude hostile et ne consentit à la modifier qu’au moment où l’Angleterre elle-même se résolut à la paix, et, deux jours avant la signature des préliminaires du traité d’Amiens, il conclut avec nous la convention du 29 septembre 1801 qui rétablit les rapports entre les deux nations. Cet acte, bien peu méritoire à nos yeux puisqu’il intervenait à la dernière heure et quand le Portugal, isolé, ne pouvait plus s’y soustraire, stipulait, il est vrai, la clôture des ports, mais cette clause était de pure forme, puisqu’elle devait cesser d’avoir son effet dès que la paix serait définitivement conclue entre la France et l’Angleterre ; les hostilités avaient cessé, le dénouement était imminent, il n’y avait plus d’intérêt anglais engagé dans la question, et la prohibition se trouva levée par le fait du traité d’Amiens, en mars 1802.

Néanmoins, et quels que fussent ces antécédens, le gouvernement consulaire ne parut point garder rancune au Portugal. préférant avec raison attirer, s’il était possible, ce royaume dans l’orbite de sa politique et le détacher peu à peu de ses anciennes alliances, il s’efforça par de bons procédés de lui inspirer de la confiance et même de l’amitié. Le général Lannes fut envoyé à Lisbonne en qualité de ministre plénipotentiaire et muni des instructions les plus conciliantes. Celui-ci, n’ayant d’ailleurs à suivre qu’un petit nombre d’affaires secondaires, devint bientôt, par les éminentes qualités de son caractère et de son esprit, persona grata auprès de cette cour. Sa légation fut donc fort paisible et les choses semblaient en bonne voie de ce côté lorsque arriva la rupture du traité d’Amiens. Le Portugal devait ressentir immédiatement le contre-coup de ce funeste événement ; la reprise des hostilités rendait à ses côtes, au point de vue militaire et commercial, une importance de premier ordre, et il devenait nécessaire de déterminer quelle serait leur situation à l’égard des belligérans.

En stricte logique, la meilleure solution eût été de faire revivre la clause de 1801 sur la clôture des ports, puisque le traité d’Amiens, qui l’avait abolie virtuellement, n’existait plus. Mais comment y contraindre le prince régent ? Il n’avait accepté cette mesure que transitoirement et en vue d’une paix prochaine ; on ne