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attestent l’incroyable violence de ce tourbillon dont la courbe hélicoïde n’excéda cependant pas 35 kilomètres de largeur.

Baignée par les eaux chaudes du golfe du Mexique et de la mer des Antilles, située sous le tropique du Cancer, Cuba jouit d’une température élevée qui oscille entre le minimum de + 22 degrés en décembre et + 27 degrés en juillet ; la moyenne annuelle est de 25°, 4 à La Havane, de 27 degrés à Santiago. Dans les grandes forêts de l’île, abondent l’ébène, le cèdre, l’acajou ; dans la région montagneuse se trouvent l’or, le fer et le cuivre ; le sol produit le café, le riz, le maïs, le sucre et le tabac, principales sources de la richesse de Cuba.

Au point de vue du mouvement commercial, sa position est des plus favorables. Elle n’est qu’à 200 kilomètres du Mexique, à 230 de la Floride, à 100 des Bahama, à 150 de la Jamaïque. Dans la Méditerranée américaine, elle est le trait d’union entre l’Ancien et le Nouveau Monde, l’entrepôt de l’un et de l’autre. A cela, sa configuration se prête admirablement ; sa forme allongée et fuyante, sa courbe, convexe au nord, concave au sud, multiplient les indentations de ses rives, dont le développement de 3 500 kilomètres égale, en longueur, la distance qui sépare Paris des monts Ourals, frontière de l’Asie. Partout ailleurs qu’au sud, des contours moelleux, indéterminés et fuyans, puis un relief indécis et changeant, de longs plissemens de sol semés de prairies et de savanes, de cours d’eau et de marécages, de grandes plaines et de forêts, riche et perpétuel manteau de verdure que les pluies entretiennent, que mille ruisseaux avivent, et qui font de Cuba, disait Colomb, « la terre la plus belle que le soleil éclaire et que les yeux aient jamais vue ».

Il ne se lassait pas de la contempler. Après la sèche terre d’Espagne, au relief montueux et aux eaux rares, après les côtes brûlées du golfe de Cadix sur lesquelles plane, ainsi qu’un voile rougeâtre, la calina aux vapeurs lourdes, après les longs jours d’angoisse sur l’Océan solitaire et vide, combien radieuse et riante apparaissait cette corbeille de verdure et de fleurs, aux parfums étranges et aux fruits inconnus, surgissant du sein des flots, fraîche et embaumée, réalisant enfin rêves de gloire et rêves de beauté !

A ceux d’entre nous, et ils sont plus nombreux chaque année, que les hasards d’une vie aventureuse ou les caprices d’une humeur vagabonde ont entraînés sur les mers lointaines, restera toujours vivante dans le souvenir la première vision du monde tropical, vision éblouissante, avec laquelle l’accoutumance familiarise, mais dont elle ne saurait affaiblir l’éclat. Et cependant, aujourd’hui, l’imprévu a disparu ; à jour, presque à heure fixe, le voyageur voit