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extension territoriale insulaire, convaincus, et avec raison, que les États-Unis ne devaient en chercher que sur le continent, convaincus aussi que ce continent septentrional était amplement de taille à leur en procurer et finirait par leur appartenir. Faussée par l’esprit de parti, et, un moment, détournée de son objectif par la puissante impulsion des États du Sud, la marche des États-Unis a paru s’infléchir vers les îles de la Méditerranée américaine ; on a cru voir dans les entreprises des flibustiers les irrépressibles manifestations de l’opinion publique, alors qu’elles n’étaient que les tentatives désespérées d’un grand parti aux abois pour forcer la main au gouvernement fédéral et l’entraîner à sa suite dans de périlleuses aventures.

Il a toujours résisté, et, dans les jours les plus critiques de l’histoire de l’Union, des voix autorisées et écoutées se sont élevées au Congrès et dans la presse pour protester contre ces tendances, pour combattre ces annexions, pour désavouer ces iniques agressions. Non plus aujourd’hui qu’alors, ces voix ne feraient défaut à une cause juste. Les États-Unis ne convoitent pas plus la prise de possession de Cuba, que Cuba n’entend devenir un État américain. Elle aspire à être indépendante, à conquérir son autonomie politique et commerciale. On ne saurait attendre des États-Unis qu’ils contrarient des aspirations auxquelles ils sont redevables eux-mêmes d’être aujourd’hui ce qu’ils sont ; on ne saurait attendre d’eux qu’ils enraient un courant commercial qui leur est favorable, et, plus encore, à ces terres tropicales. De ce que la « Reine des Antilles », obéissant à une attraction naturelle, incline de plus en plus vers sa puissante voisine, on ne saurait conclure que ce rapprochement commercial soit le prélude d’une annexion territoriale que ni l’une ni l’autre des deux parties ne souhaite.


C. DE VARIGNY.