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L’un d’entre eux, M. Bios, avait d’avance expliqué le vote de ses amis, en disant « qu’ils ne croyaient pas à la légende du péril jésuitique. »

Au contraire, parmi les opposans à cette mesure équitable, à côté de la droite piétiste et réactionnaire, qui déclarait que l’abrogation de la loi « mettrait en danger les droits de l’État et la paix confessionnelle », on a été surpris de voir les progressistes, qui n’ont trouvé d’autre reproche à faire à la motion que de n’avoir pas un caractère assez général. Quoique la majorité obtenue puisse faire augurer favorablement du succès de la campagne poursuivie avec ardeur par le centre depuis nombre d’années, néanmoins, comme le Reichstag est dépourvu d’initiative en matière de loi, et que l’empereur s’est naguère déclaré hostile au rappel des jésuites, le vœu récemment émis risquerait fort de n’avoir pas une satisfaction prochaine, si les concessions du gouvernement, sur ce terrain, ne devaient être le prix du concours nécessaire des députés du centre en faveur de la réforme fiscale. L’application du programme de M. Miquel continue en effet à rencontrer de sérieuses difficultés, et la politique du do ut des n’a pas encore dit son dernier mot au-delà du Rhin.

Pendant que le système économique de M. de Caprivi, qui provoque l’antagonisme entre la Prusse conservatrice et le reste de l’Allemagne, tend à augmenter la part d’influence de cette dernière, divers symptômes, intéressans à noter, attestent l’éveil de cet esprit modéré de particularisme, conseillé par M. de Bismarck dans un de ses plus sensationnels discours d’exil. « Que les princes et les landtags, disait l’ancien chancelier, reconquièrent l’influence qu’ils ont perdue au plus grand dommage de l’empire ; que les peuples fassent entendre leur voix par l’organe de leurs assemblées, là est l’avenir de l’Allemagne. »

Aux dernières discussions de la diète, à Munich, on s’est plaint que les représentais de la Bavière au conseil fédéral n’y lissent pas entendre assez haut leur voix. En Wurtemberg, le roi, appuyé par l’opinion publique, a nettement refusé d’accéder au désir de l’empereur, en renonçant au commandement de son armée en temps de paix. La tension des rapports entre les deux cours s’est accusée par le départ de M. de Moser, ministre de Stuttgart à Berlin, coupable seulement d’avoir fait ajourner cet automne, en raison de la disette de fourrages, les grandes manœuvres dans son pays, et par l’hostilité du baron Mittnacht, président du conseil de Wurtemberg, à l’impôt projeté sur le vin.

À coup sûr il n’y a aucune conclusion à tirer de ces tiraillemens intérieurs nouveaux pourtant en Allemagne, et l’unité y est trop populaire et trop solidement fondée pour pouvoir être mise en péril. Il est clair cependant, que, dans l’avenir, tout ce que les petits États pourraient considérer comme des empiétemens de l’empereur sur leurs privilèges constitutionnels serait de nature à susciter des résistances, de nature à porter atteinte, à la longue, à la prépotence illimitée que les