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l’an 63, à la veille de la grande révolte. Le temple nouveau ne vécut ainsi à l’état complet que six ou sept ans. Quand Jésus et ses disciples s’y promenèrent, bien des choses, dans l’entourage de l’édifice central, n’existaient encore qu’à l’état provisoire.

Ce fut un travail des plus grandioses et vraiment colossal[1]. Non seulement Hérode ne se servit d’aucune partie des vieilles constructions, mais il détruisit le soubassement et doubla en superficie le terre-plein, le poussant jusqu’aux restes de l’ancien palais de Salomon, qui formèrent l’angle sud-est. Les remblais portèrent l’enceinte rectangulaire, — le haram actuel, — à une hauteur immense au-dessus des vallées environnantes. On avait le vertige en y plongeant les yeux[2]. La grande allée à quatre rangs de colonnes qui dominait le val de Cédron était une vraie merveille. On l’appelait le portique de Salomon. Les portes en contre-bas du talus, communiquant avec l’intérieur par des escaliers souterrains, n’interrompaient pas les colonnades.

On reproduisit toutes les dispositions du temple de Zorobabel, en les agrandissant. L’autel des sacrifices, refait par Judas Macchabée, fut reconstruit sur le même modèle. La prescription de bâtir l’autel avec des pierres non taillées, provenant du Livre de l’alliance, maintenant considéré comme synchronique de tout le code mosaïque, fut peut-être tournée par quelque artifice architectural[3].

Les matériaux étaient superbes, extraits pour la plupart du sous-sol de Jérusalem[4]. Cette belle pierre maléki porte aux blocs de grandes dimensions. Le mur occidental, que les Juifs aujourd’hui vont baiser, en donne un spécimen ; les blocs ont en moyenne six ou huit mètres de long. Les portiques offraient la coupe d’une basilique à trois nefs ; les soffites étaient en bois peints et ciselés. Le module de la colonne[5]des portiques était environ de 1m,75, la longueur de 12 mètres. Un passage souterrain[6]menait le roi de la tour Antonia à la porte orientale du temple. Là se trouvait une tribune en forme de tour, où il était à l’abri de la malveillance de la foule.

  1. Voir Vogüé, Temple de Jérusalem, pl. XV et XVI.
  2. Les fouilles anglaises à l’angle sud-est ont confirmé l’assertion de Josèphe.
  3. On se demande si Zorobabel et Judas Macchabée observèrent la prescription supposée mosaïque.
  4. Vogüé, Temple de Jérusalem ; Perrot et Chipiez, Hist. de l’art, t. IV, p. 178-218.
  5. Colonne trouvée par Clermont-Ganneau. Archæol. Researches in Palestine. Cf. Journ. des Débats du 24 oct. 1871.
  6. Noter l’escalier souterrain, avec sa colonne monolithe et ses ornemens juifs au plafond.