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Rome par Caligula. L’empereur, qui affectait pour lui beaucoup de tendresse, et se plaisait à rappeler qu’ils descendaient tous les deux du triumvir Antoine, voulait, disait-il, garder son cher cousin auprès de lui. En réalité ce fou vaniteux était flatté de se faire voir au peuple avec un cortège de rois. Mais il fallait que, dans ce cortège, personne n’attirât les yeux que lui. Il avait toutes les fatuités à la fois et ne voulait pas être seulement le plus grand orateur, mais l’homme le plus beau et le mieux vêtu de Rome ; or, comme il arriva qu’un jour le jeune roi de Maurétanie, entrant au théâtre avec un superbe manteau de pourpre, excita l’admiration de la foule, Caligula se mit en fureur. Il jeta Ptolémée en prison, et, au lieu de l’achever d’un seul coup, il se fit un plaisir de le torturer. « On lui refusa un morceau de pain, dit Sénèque, et on le força, pour boire, à tendre la bouche sous les gouttières[1]. » — Ainsi périt le dernier descendant de Massinissa.

Cette fois l’épreuve était finie ; les Romains se décidèrent à ne plus donner aux indigènes un roi de leur nation. Ils prirent possession de la Maurétanie, comme ils l’avaient fait déjà de la Numidie, sous Auguste, et toute l’Afrique se trouva réunie sous leur domination.


Gaston Boissier.
  1. Ce genre de supplice n’était pas nouveau : quelques années auparavant, Tibère avait réduit son neveu, Drusus, qu’il voulait faire mourir de faim, à manger la bourre de ses matelas.