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et servaient à un certain nombre de paiemens en Belgique. Un député interpella le gouvernement à ce sujet et dénonça à la tribune de Bruxelles le danger effroyable que cette invasion de l’or français faisait courir au malheureux ouvrier belge, rémunéré de son légitime labeur dans cette monnaie dépréciée !

La harangue du gouverneur du Colorado en 1893 n’est-elle pas une réplique piquante, quoique lointaine, à cette philippique brabançonne d’il y a 36 ans ? N’y a-t-il pas là de quoi nous rendre rêveurs et, si cela était permis en matière monétaire, quelque peu sceptiques ?


Nous ne prétendons en aucune façon avoir formulé dans les pages qui précèdent un projet actuellement pratique ; nous espérons néanmoins que le lecteur voudra bien reconnaître avec nous que cette méditation n’était pas entièrement inutile, destinée qu’elle est surtout à nous rendre plus familiers avec l’idée mère, le caractère fondamental de la monnaie métallique, dont si peu d’hommes se préoccupent et qu’un nombre moindre encore arrive à dégager. L’esquisse de ce qui se passerait si on transformait nos monnaies actuelles, avec leurs dénominations variées, en disques d’or et d’argent dont le poids seul serait indiqué, a pour but d’attirer les réflexions de nos contemporains sur l’essence même de ces francs, de ces dollars, de ces livres sterling, bien plus que de pousser les gouvernemens à entrer dès maintenant dans cette voie.

Il n’en est pas moins vrai que c’est peut-être là que se trouvera quelque jour le remède aux difficultés monétaires au milieu desquelles se débat la plus grande partie du genre humain. Ce n’est donc pas faire œuvre stérile que d’engager les économistes et les hommes d’Etat à prêter quelque attention à ce côté du problème, que leurs travaux ultérieurs et leurs persévérantes recherches devront éclairer au point de le rendre intelligible aux masses, et susceptible alors de recevoir une solution définitive.


RAPHAEL-GEORGES LEVY.