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politique générale uniquement par prétention. Il l’abordai ! donc, dès l’exorde, et, pour mieux se défendre, tout de suite il attaquait. Que lui reprochait-on, après tout ? D’avoir dissous la Chambre et d’avoir essayé d’en faire une nouvelle, dans laquelle il y aurait vraiment, avec des partis, une majorité de gouvernement. Et qui le lui reprochait ? M. de Rudini, hier encore chef d’un cabinet de coalition. « Le ministère qui nous a précédés, s’écriait M. Giolitti, né d’une coalition de partis politiques opposés, n’avait pas et ne pouvait pas avoir un véritable programme politique… L’expérience a démontré que, sans partis politiques bien déterminés, les institutions parlementaires ne fonctionnent pas, et que les ministères nés d’une coalition de partis opposés peuvent servir à surmonter momentanément des obstacles, mais ne réunissent pas à résoudre des problèmes importans. » L’opinion publique, d’après l’orateur, réclamait énergiquement un gouvernement homogène et c’était ce gouvernement que lui, M. Giolitti, il lui avait donné. « Seulement, c’était briser des traditions, des liens déjà anciens : de là les furieux assauts, livrés dans les deux branches du Parlement, quand le Cabinet s’était présenté devant lui et sans même attendre qu’on ait pu discuter ses propositions. » Blessé de ce mauvais accueil et pour cause de suspicion légitime, le ministère en avait appelé au pays : « Le pays a répondu en élisant une Chambre où les partis politiques sont clairement divisés, où le ministère a rencontré une forte et sûre majorité » qui permet de délier toutes les audaces, comme tous les artifices. Ce qu’il avait fait, M. Giolitti continuerait à le faire. Il s’avouait franchement l’homme d’un parti, mis au pouvoir pour et par son parti. « Je répète que je crois nécessaire au bon fonctionnement du régime parlementaire une division logique des partis politiques et, quant à moi, j’ai travaillé sincèrement à leur reconstitution. Per la stessa via ! Dans la même voie ! » concluait-il. Et, pour finir sur un effet, il dénonçait on ne sait quel pacte ténébreux et quelle menaçante alliance entre « les cléricaux » et « la fraction la plus conservatrice de nos partis constitutionnels », autrement dit : « Le péril est à droite ! »

M. Giolitti s’abusait, en ce moment même, et péchait par excès d’optimisme naturel. Ce qu’il avait reconstitué le plus sûrement, du moins après le banquet de Dronero, ce n’était pas la majorité, mais l’opposition. Il ne dut pas tarder à s’en apercevoir. Jamais harangue ne fut déchirée, dépecée, écartelée comme la sienne : on se moqua de tout, du fond et de la forme, des idées et de l’expression, de la politique et de la langue. Jamais plus vive campagne ne fut menée, que celle qui s’ouvrit. De tous les coins