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de l’Italie et pendant les mois qui séparaient encore de la rentrée des Chambres, les répliques partent ainsi que des fusées. Sous Depretis et sous M. Crispi, cette opinion publique, que M. Giolitti invoquait, s’était tant soit peu endormie : M. Giolitti la secoue, mais elle a le réveil maussade. L’opposition, — et qui n’en est pas plus ou moins ? — entretient savamment une si méchante humeur. Elle colporte le mécontentement dans les villes et les villages. Que de réunions et de conférences ! Que d’explications fournies à des électeurs qui peut-être n’en demandaient pas ! M. Saporito à Castelvetrano de Sicile, M. Prinetti à Merate, M. Bonghi à Lucera, M. Ettore Ponti à Milan, M. Cavallotti à Belgiojoso, M. Imbriani à Trani et à Corato, M. Giusso à Manfredonia, M. Barazzuoli à Poggibonsi, M. Mecacci à Sinalunga, M. Papadopoli à Adria, partout où il y a un théâtre communal ou une salle d’auberge, députés qui parlent toujours et députés qui parlent rarement, tous parlent, et tous contre le cabinet. Les tempora nubila sont venus. M. Giolitti n’a plus que des amis « affligés » et peu secourables. M. Solimbergo et M. Mussi, ce n’est guère, en face d’une opposition reconstituée qui va de la droite à l’extrême gauche : c’est d’autant moins que l’un d’eux épilogue, ne dit ni oui, ni non, louvoie, barcamena, et que l’autre, cherchant, pour le ministre qu’il soutient, une épithète aimable, ne trouve que « bouc émissaire », capro espiatorio.

Le plus acharné, le plus impitoyable, le plus âpre des adversaires du cabinet est le marquis de Rudini. M. Giolitti l’a pris à partie très imprudemment, lui donnant ainsi, outre les motifs politiques susceptibles de le décider, un prétexte personnel à intervenir. Dans son discours de Dronero, il a dit deux mots dédaigneux, et comme jetés du bout des lèvres, du ministère qui l’avait précédé, qui n’avait rien fait de bon et n’avait pas de programme, si ce n’est de rétablir l’équilibre budgétaire, encore non rétabli. A peine avait-il achevé qu’il recevait la riposte en pleine poitrine : un coup droit, un beaucoup de belle escrime parlementaire, M. de Rudini commençait, ainsi que M. Giolitti, par s’expliquer sur la dissolution de la Chambre et les élections. Oui, l’Italie avait fait du chemin depuis un an, mais en arrière, à reculons. On avait vu s’exercer, sans frein ni mesure, l’illégitime ingérence du gouvernement. M. Giolitti osait se faire un titre d’en avoir appelé de la Chambre au pays ! Mais dans quelles formes, cet appel ? « Avec des préfets de combat, avec des faveurs accordées ou refusées au moment du vote, avec des dissolutions de conseils municipaux, et autres moyens mal connus ou connus en mal, parce qu’ils sont trop connus (mal noti perchè troppo noti). » À ce prix, M. Giolitti