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Comme le baron Blanc est un diplomate, le garde des sceaux, M. Vincenzo Calenda, est un magistrat de carrière. Il a été chef de division au ministère de la justice ; il était, en dernier lieu, procureur général près l’une des cours de cassation. On ne connaît guère de lui, en fait d’acte public, qu’un discours de rentrée où il affirmait l’indépendance de la magistrature vis-à-vis des autres pouvoirs. M. Vincenzo Calenda est le frère de M. Andréa Calenda de Tavani, préfet de Rome, mis en disponibilité, à la suite des manifestations organisées contre l’ambassade de France pour protester contre les meurtres d’Aigues-Mortes.

On dirait presque de M. Guido Baccelli, ministre de l’instruction publique, qu’il est également un ministre de carrière. Non pas parce que c’est la deuxième fois qu’il vient s’installer dans les bureaux de la place de la Minerve, mais parce qu’il est moins encore médecin que professeur, un des professeurs les plus écoutés de l’université de Rome. Il a soixante ans bien sonnés, mais ne paraît pas les avoir, éternellement jeune, avec sa chevelure abondante et drue et sa moustache grisonnante. Doué, par-dessus ses autres dons, d’une prodigieuse activité, combien d’associations préside-t-il ou plutôt quel les associations ne préside-t-il pas ? Personne plus que lui n’approche de M. Crispi par le sens de la grandeur an tique. M. Crispi ne pouvait certainement pas avoir de compagnon qui fût plus près de son cœur. Il lui devait bien un portefeuille, car, depuis plusieurs mois, depuis qu’on était las de M. Giolitti, M. Baccelli s’était fait comme son précurseur, son Jean-Baptiste, le prophète de sa résurrection. Digne des consuls de l’ancienne Rome, tant que M. Crispi est vivant, M. Baccelli ne désespère de rien. Il ne rêve que de Panthéon, de promenades archéologiques, de réformes profondes de renseignement et d’une exposition universelle, où il exposera au monde la merveille du monde, sa chère Rome.

M. Sonnino Sidney, ministre des finances, s’est, de tout temps, occupé de finances et d’économie politique. Il est arrivé à la cinquantaine et va tenir, on n’en doute pas, les brillantes promesses de ses premières années. Ses lumières seront précieuses, et sur les questions techniques et sur la question sicilienne (puisqu’il y a une question sicilienne) ; il apportera au Cabinet les résultats de l’enquête qu’il fit dans l’île avec son parent et ami, M. Franchetti. M. Sonnino est un des promoteurs authentiques de la Triple Alliance. Chaque semaine, dans son journal, la Rassegna Settimanale, il mettait la pointe de l’épée aux reins de Depretis hésitant et le poussait vers Vienne et Berlin. M. Sidney Sonnino a été autrefois sous-secrétaire d’Etat de M. Perazzi aux finances. On l’eût sans doute bien étonné, en 1890, si on lui eût prédit un