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avant d’avoir eu à en prendre grand souci. L’importation des céréales était nulle, et l’exportation, fort peu importante, était soumise au régime des autorisations précaires. Du reste, les nations voisines étaient défendues par des prohibitions contre l’invasion des denrées étrangères, et l’Europe était trop troublée par un état de guerre continuel pour que de grandes opérations de cette nature pussent être entreprises.

Ce n’est guère qu’à la fin du premier empire, quand le calme fut revenu et que les communications internationales furent un peu affermies, que se posa la première fois le grand problème de la part à fixer pour l’approvisionnement du marché de la France entre l’agriculture nationale et la production étrangère. D’abord, ce furent les blés d’Odessa qui, arrivant dans les ports du Midi à un bas prix inconnu jusqu’alors, causèrent une vive panique parmi les propriétaires. Sous la pression de ces propriétaires. qui étaient ses amis, le gouvernement d’alors inaugura la série des lois douanières sur les céréales par la création de l’échelle mobile. Le but de cette institution, imitée de l’Angleterre, était de maintenir le prix moyen du blé à 19 ou 20 francs, et de lui imposer comme variations extrêmes 16 francs au minimum et 20 francs au maximum.

Déjà, en 1814, on avait, au point de vue de la faculté d’exportation, réparti les départemens en trois classes : la première comprenait les régions où le prix du blé était en général le plus élevé ; la deuxième classe correspondait au véritable prix moyen : la zone des bas prix constituait la troisième. Ces classes étaient, en outre, partagées en huit sections. Dans chaque section, plusieurs marchés étaient désignés dont les mercuriales servaient de régulateurs. Cette organisation fut conservée en 1819, et au prix limite d’exportation, qui forma le premier degré de l’échelle mobile, on ajouta un droit fixe, puis un droit variable qui augmentait d’un franc par chaque franc de baisse, pour aboutir, au-dessous d’un certain prix, à la prohibition absolue. Ainsi, dès que l’exportation cessait d’être permise dans une région déterminée, le droit variable d’importation entrait immédiatement en jeu pour apporter au producteur les mêmes garanties que la loi de 1814 s’était proposé de ménager au consommateur.

Le malheur est que cette combinaison, — qui par sa complication rappelle celles que l’on appliquait sous l’ancien régime à la circulation intérieure des blés — fut impuissante à enrayer la baisse. Celle-ci persista malgré tout, en dépit des aggravations que reçurent successivement les tarifs ; et il fallut même, en présence