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représentans de la population parisienne : malgré l’augmentation perpétuelle depuis nombre d’années des produits de l’octroi, qui s’élèvent aujourd’hui à 150 millions, tout ce que le Conseil a pu faire a été de régler son budget ordinaire en équilibre. Pour les travaux neufs, il a continué d’avoir exclusivement recours à l’emprunt, et l’intérêt de sa dette exige 110 millions par an. C’est à peu près 40 pour 100 des recettes ordinaires de la Ville, qui montent à 283 millions de francs en 1894 ; et comme les conseillers augmentent sans cesse les dépenses, qu’ils ont notamment voté d’un seul coup, en 1893, à la veille des élections municipales, une somme de 3600 000 francs pour relever le salaire des petits employés, ils se sont trouvés en présence d’un déficit de 7 millions qu’ils n’ont que très superficiellement comblé. Puisque les plus optimistes d’entre eux reconnaissent que les ressources de la Ville ne semblent pas, de longtemps, pouvoir s’accroître, peut-être se décideront-ils enfin à mettre un terme à leurs prodigalités.

Ce mouvement politique qui, d’un côté, pousse quelques violens à exaspérer leur violence, et, de l’autre, amène les gros bataillons électoraux à se préoccuper de leur opposer des digues ; ce mouvement, dans lequel se résument les élections législatives de l’an dernier, et qui même s’est dessiné lors des dernières élections municipales de Paris, a pu être une fois de plus constaté, le 7 janvier, à l’occasion du renouvellement triennal du tiers du Sénat. Trente-six départemens avaient à procéder à des élections : trente et un par suite du roulement ordinaire, cinq en raison de vacances survenues dans leur représentation. Les sénateurs sortans, au point de vue des opinions, se décomposaient ainsi : 76 républicains, 4 radicaux, 14 conservateurs.

Les radicaux avaient, pour cette fois, désarmé devant le Sénat : ils ont consenti à briguer les faveurs du suffrage restreint. Quelques socialistes avaient fait de même ; décidés à pénétrer au Luxembourg pour mieux travailler à la ruine de la maison, une fois qu’ils y seraient entrés. Tel, à Paris, M. Longuet, ancien membre de la Commune. Le succès n’a pas couronné cette tactique. Un seul candidat socialiste a été nommé, à Alger, et cinq radicaux seulement l’ont emporté dans la Corrèze, le Gard, l’Aisne et les Bouches-du-Rhône, sur leurs concurrens républicains.

En revanche, les républicains ont gagné sur les conservateurs ; soit que ceux-ci n’aient pas cru devoir se représenter, soit qu’ils aient été battus, soit qu’ils aient, comme M. Martell dans la Charente, formellement adhéré à la République. Les cinq sénateurs de droite qui ont été réélus appartiennent tous au département des Côtes-du-Nord. La perte de huit ou neuf sièges ne pouvait être très sensible au parti conservateur, qui ne dispose plus à la Chambre haute que d’une très faible minorité et qui, du reste, ne se faisait aucune illusion sur le résultat d’un scrutin auquel il s’est abstenu en général de présenter des candidats.