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indestructible, le réservoir auquel les eaux conduites par l’aqueduc venaient aboutir. Cette précaution d’avoir une abondante provision d’eau dans la ville même, indique que le fleuve et ses approches étaient peu sûrs pour les Romains. Les piles ont résisté. se sont parées de verdure ; mais les canaux, peu surveillés sans doute au moyen âge, ont crevé, miné le ciment, et les arcades ont cédé, se sont affaissées.

Quant à la tour de Drusus, très grossièrement façonnée, n’a-t-elle point été refaite ? Nulle régularité, de grosses pierres de taille mêlées à de petits matériaux informes ; le tout semble avoir été jeté précipitamment. Si c’est là un travail des Romains, il date de la décadence dernière. Je croirais plutôt qu’il est des temps carlovingiens.

Le vent très fort, qui souffle sur cette hauteur, ne permet pas toujours de profiter de l’incomparable vue. J’ai dû descendre au Jardin de la Favorite. Moins élevé, il donne peut-être un ensemble plus harmonique.

Le couvent et le palais de Constantin ont été détruits ; ce qui reste, c’est le splendide panorama. De là vous dominez, à la fois, la jonction du Rhin et du Mein, et Mayence et les montagnes. Dans le lointain, Darmstadt et la Bergstrasse. En face, le Mein venant à vous ; mais sa barre, arrêtée par la force du Rhin, est forcée de tourner, de se mettre en flèche pour accompagner le grand fleuve.

Le Rhin, vers Mayence qu’il semble porter, bien éclairé, tout d’argent. Au-dessus de la ville, l’or des moissons rendu plus chaud à l’œil par la pénétration des rayons d’un ardent soleil d’été. Plus haut encore, la longue ligne des montagnes ombreuses, doucement ondulée jusqu’au noble roi, le Taunus ; au pied, Mayence, demi-sombre, entre la lumière, et la lumière entre l’argent et l’or, se détache d’un si charmant profil, qu’on aurait envie de l’enlever sur la main. Ce serait dommage ; toutes les parties de ce grand tout sont si bien faites l’une pour l’autre ! De loin les montagnes vous regardent avec leur majesté douce, avec leurs vignes, leurs bois, leurs moissons, non pas solitaires, mais peuplées des rians villages qui ont eu l’esprit de se nicher entre leurs mamelles.

L’énorme et byzantine cathédrale, avec ses deux chœurs, ses tours, ses coupoles, vaste à contenir un monde, a été commencée au Xe siècle. On se demande sur quelles substructions romaines ?