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part, malgré la tendance des populations musulmanes à se marier dans un rayon limité. Les exceptions, s’il en existe, sont si rares et expliquées par des nécessités si particulières qu’on les peut négliger.

À plus forte raison en est-il de même en pays hindou. M. Risley a étudié avec soin cet ordre de faits. Il a distingué les moules très divers où semblent, suivant les cas, s’être coulées les sections exogames aux différens étages de la société hindoue, en particulier dans les castes très basses qui sont sorties des couches de population aborigènes : voisinage, descendance commune, authentique ou supposée, communauté de surnom, considérée comme signe de parenté, communauté de culte envers cette catégorie d’objets ou d’animaux que l’ethnographie désigne du nom de totem, et qui sont rattachés au clan par quelque légende superstitieuse. Plusieurs de ces principes de sectionnement, le dernier surtout, ont un aspect archaïque, incivilisé, qui nous reporte à une période lointaine, antérieure à toute influence aryenne. Ce n’est pas le moment de sonder la délicate question des origines. L’action brahmanique est en jeu depuis de longs siècles. On le reconnaît à certaines méprises. Le zèle d’imitation est moins éclairé qu’il n’est ardent. Telle caste basse, prétendant suivre les prescriptions brahmaniques, se résout en fractions exogames, tout en constituant un seul groupe éponyme, et même en se rattachant expressément à un gotra unique !

Si divers que soient les noms que, suivant les circonstances et suivant les lieux, prennent ces groupes, il est commode d’avoir pour les désigner dans leur ensemble un terme simple. Gotra peut être conservé à cet effet, puisque, aussi bien, le mot est consacré et par la langue technique, et par une adoption très habituelle, sinon toujours clairvoyante. L’empire en a pénétré partout ; il n’est point partout également étendu.

On peut dire que partout il est interdit de se marier dans le gotra dont on porte le nom, dans le gotra paternel par conséquent. Mais cette interdiction n’épuise pas les empêchemens légaux. La règle ordinaire est qu’un homme ne peut se marier davantage dans le gotra de sa mère, ni souvent dans celui de la mère de son père, ni quelquefois dans le clan de la mère de sa mère. L’exogamie du côté maternel est d’une portée très variable. On cite des castes ou tribus qui, à côté des gotras et au-dessous d’eux, connaissent des groupemens plus petits institués, semble-t-il, pour servir décadrée l’exogamie du côté maternel. En tous cas, les empêchemens résultant du gotra se compliquent d’une échelle de degrés prohibés. Elle-même varie suivant les castes, les lieux et les temps ; elle est, à tout prendre, bien plus