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communauté de repas avec elles, sont susceptibles, suivant les cas, d’une foule de nuances qui ne sont point indifférentes. L’usage des liqueurs fermentées n’est pas également proscrit ni puni partout. L’adultère est poursuivi ; il est d’ailleurs, chez la femme, envisagé d’un œil fort différent, suivant que le complice est un homme de haute caste ou de caste inférieure. D’autres cas sont plus spéciaux à certains groupes. Il y en a où la prostitution, n’étant pas reconnue comme la profession normale de la caste, entraîne des châtimens. Négliger les funérailles d’un parent ou tuer une vache sont au contraire des fautes si graves qu’elles doivent presque partout appeler la vindicte de la loi. En revanche, un certain nombre seulement parmi les castes sont assez strictes pour punir l’homme qui a eu le tort de ne pas marier une fille avant l’âge de la puberté, de négliger, au-delà d’une certaine date, l’initiation de son fils et l’investiture du cordon sacré.

lue juridiction de cette nature, uniquement assise sur la coutume, nécessairement contrariée par l’action rivale de la justice qu’applique pour sa part le pouvoir territorial, si faible qu’il puisse être, fractionnée entre une foule de corporations inégales, indépendantes, hostiles même, — une pareille juridiction ne peut manquer d’être capricieuse. Et puis de notre temps, sous la forte main de l’administration britannique, ces justices particulières se détendent, comme s’alanguissent plusieurs des notions ou des préjugés d’où dérivait leur autorité. Ce n’est pourtant pas un portrait après décès que nous esquissons. L’institution incline vers sa décadence ; les ressorts ne sont pas immobilisés ; ils ont des irrégularités et des lenteurs. Ajoutez que nous sommes, sur le détail, renseignés vaguement. Le maniement direct, personnel, de la charrue, la culture des légumes, sont, par exemple, partout dans les hautes castes, réputés des causes de déchéance ; sont-ce des délits qui puissent, dans certains groupes, faire l’objet d’une condamnation en forme. Je le pense, mais n’oserais l’affirmer. Ce qui est clair, c’est que la vindicte de la caste s’attaque essentiellement aux irrégularités qui, portant soit sur les questions de mariage et d’hérédité, soit sur des observances de pureté, soit sur des coutumes propres au groupe, intéressent directement son intégrité.

Dans cette tâche, la justice de la caste use de moyens de répression gradués. Elle prononce des amendes, en général peu élevées, comme il convient en un pays assez pauvre, et mesurées aux ressources des coupables. Le produit en est appliqué, soit à quelques charités, soit à des têtes communes. Ses armes propres et caractéristiques sont des pénitences purificatoires, des repas où