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évolution, en distingue quatre types. Un certain nombre de chefs, ayant acquis quelque propriété foncière et la considération qui s’y attache, s’entourent de brahmanes qui leur fabriquent une généalogie et une origine légendaire ; ou bien, des aborigènes se jettent dans les bras de quelque secte hindoue en abandonnant leur nom primitif ; ou encore, une tribu entière s’enrôle sous la bannière de l’hindouisme en créant une caste nouvelle ; ou enfin, l’évolution se produit lentement et se manifeste par le changement de nom. Dans tous les cas c’est l’adoption des fêtes, des usages religieux hindous, l’adoption des pratiques de purification et des lois qui règlent le mariage, surtout le respect prodigué aux brahmanes reconnus comme prêtres et maîtres religieux de la tribu, qui marquent et autorisent cette ascension. De tous côtés les exemples affluent : Minas de l’Inde Centrale, Bâgrî des Provinces nord-ouest, Khands et Santias de l’Orissa, que sais-je encore ? Le mécanisme est toujours le même. Ainsi s’explique que plusieurs clans râjpouts portent le nom de tribus anâryennes ; c’est sans doute qu’ils en sont nés. Il ne serait pas plus surprenant que beaucoup de Râjpouts du Penjab se fussent constitués des débris de plusieurs clans ou castes, au fur et à mesure que leur accession à la propriété du sol leur conférait une importance sociale grandissante et colorait leurs ambitions.

Il en arrive de même, bien entendu, pour des castes constituées dès longtemps dans les milieux hindous. Tel clan d’Ahîrs se forme en caste spéciale, dédaigneuse de ses anciens congénères, au prix de quelques réformes, en condamnant les femmes à la réclusion réglementaire, en supprimant les secondes noces pour les veuves ; les Chamârs qui abandonnent la manipulation déshonorante du cuir pour le tissage deviennent des Chamârs Joulâhas, en attendant qu’ils soient réputés Joulâhas de plein droit ; des Choûhras, qui renoncent au métier de vidangeurs, se transforment en Mourallis. Les cas ne se comptent plus.

Plus fréquente encore est la marche inverse. Les enfans illégitimes de la caste des Karanas, en Orissa, se sont formés en un groupe spécial. Dans la même province, une caste de Chattarkhaïs s’est recrutée des gens de toute origine qui ont perdu leur respectabilité pour s’être nourris aux « cuisines de secours » pendant la dernière famine. Elle s’est même rapidement subdivisée en deux sections, suivant le rang antérieur des nouveaux venus. Tout en conservant leur titre et l’usage du cordon sacré, les brahmanes qui prêtent leur office à des classes méprisées tombent eux-mêmes dans un discrédit qui les met vis-à-vis de leurs congénères dans un état de rigoureuse quarantaine. Le maniement