Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuel de l’État, de les inciter par suite à des demandes de remboursement. C’est là ce qui fût arrivé par exemple si l’on eût, pour obtenir 34 millions de plus d’économies annuelles sur le service de la dette, converti radicalement le 4 1/2 en 3 pour 100.

C’est peut-être aussi ce que l’on eût dû craindre si, imitant le procédé qui a réussi à M. Goschen en Angleterre, on avait stipulé que le 4 1/2 actuel, transformé immédiatement en 3 1/2, se changerait de lui-même en 3 pour 100 dans une période déterminée, sans qu’il fût besoin de conversion nouvelle. Les partisans de ce système du 3 pour 100 différé faisaient valoir que le public aurait attaché peu d’importance à ce que la conversion future fût dès à présent opérée, dans un avenir défini, par le contrat même que les créanciers de l’État eussent passé avec lui, au lieu de demeurer facultative, et partant incertaine, au bout du délai stipulé de huit ans. Il nous semble en effet qu’il eût été préférable, au point de vue de l’État, soit d’allonger ce délai, soit de servir pendant les huit ans intermédiaires un intérêt un peu supérieur à 3 1/2 pour obtenir l’unification totale de la dette.

Pendant la durée de ces huit années, bien des événemens, heureux ou malheureux, peuvent survenir en Europe et dans le monde. Les premiers comme les seconds seraient de nature à arrêter ou à ralentir cette baisse du taux de l’intérêt, qui se poursuit, depuis un quart de siècle, avec une rapidité qui n’a rien de définitif ni de fatal, comme beaucoup de personnes seraient portées à le croire. C’est une coutume de tous les temps, lorsqu’il se produit un phénomène économique, de ne pas se borner à en rechercher, à en expliquer les causes, mais de croire et de démontrer que ce phénomène devait nécessairement se produire, et qu’il s’accentuera de plus en plus d’une façon inéluctable. On entend dire aujourd’hui que le monde va manquer d’or et que l’argent va tomber, à rien : on entendait dire il y a quarante ans que le prix de l’or allait s’avilir et que l’argent ne cesserait de monter. Ces exagérations sont connues de ceux à qui l’histoire des métaux précieux est familière ; elles ne le sont pas moins de ceux qui ont étudié les variations du taux de l’intérêt.

Ce taux ne va pas nécessairement en s’affaiblissant ; il était plus bas sous Louis XV que sous Napoléon Ier, plus bas sous Louis-Philippe que sous Napoléon III. S’il est aujourd’hui beaucoup plus faible qu’il y a vingt ans pour les biens meubles, il est au contraire beaucoup plus élevé pour les immeubles ruraux, par rapport à leur valeur vénale. Une grande guerre européenne, que l’on peut toujours redouter, le ferait remonter demain pour un tiers de siècle. Le rétablissement des finances et de la prospérité, dans les républiques de l’Amérique du Sud, qui aurait pour conséquence de nouveaux appels de capitaux ; la colonisation de l’Afrique et l’introduction de la civilisation occidentale en Asie, avec les vastes entreprises industrielles, les énormes travaux