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qu’elles comporteraient, sont de nature à faire remonter un jour le taux de l’intérêt en Europe.

Il est par conséquent d’une bonne administration de profiter de la baisse du loyer de l’argent, puisqu’elle se manifeste à l’heure actuelle, sans se croire assuré que cette baisse ira en augmentant, ni même qu’elle se maintiendra toujours. Quoi qu’il en soit, comme l’a très bien dit M. Rouvier en 1883, après avoir soutenu un projet différent de celui de M. Tirard, « du jour où un ministre des finances a décidé une conversion, il faut s’y rallier ». Le crédit de l’État et le succès de l’opération l’exigent. La majorité de la Chambre, en subordonnant quelques préférences particulières à cet intérêt supérieur, n’a pas montré moins de désintéressement. C’est un acte d’énergie dont le pays lui tiendra compte.

Mais si les députés ont été unanimes sur le fait même de la conversion, une bonne partie d’entre eux a fait preuve d’une singulière faiblesse ou d’un coupable aveuglement, lorsqu’ils ont prétendu obliger le ministère à affecter au dégrèvement de l’impôt foncier l’économie de 68 millions dont nous parlons plus haut. Deux cent soixante-six représentai, parmi lesquels, à côté des socialistes, des radicaux et de quelques intransigeans de droite, nous avons eu le regret de compter une cinquantaine de membres de la majorité, qui se croyaient liés par des promesses électorales, n’ont pas hésité à risquer sur cette question, par souci d’une mauvaise popularité, l’existence d’un cabinet sur lequel la France a droit de fonder de sérieuses espérances. Il est vrai qu’ils n’ont pas mis trop de mauvaise grâce à se déjuger quelques instans après, en laissant au président du conseil le soin de concilier, comme il le demandait, les satisfactions à accorder à l’agriculture avec le maintien de notre bonne situation financière.

Depuis longtemps, et notamment pendant tout le cours des sessions de 1893, chacun a semblé s’ingénier pour trouver un utile emploi du boni que l’État devait retirer de la conversion. Qu’en ferait-on ? Et d’avance on en faisait une foule de choses. On créait des institutions philanthropiques, on fondait des caisses de secours, de retraites, d’assurances. On supprimait, qui une taxe, qui une autre, celles naturellement dont la disparition serait la mieux accueillie par son collège électoral. Il n’y avait qu’un emploi dont personne ne se fût avisé, c’était de payer nos dettes.

Un gouvernement digne de ce nom, fait pour voir ce que personne ne voit, ou ne veut voir, tenu d’accomplir ce que personne en particulier ne désire, mais ce que l’intérêt général commande, ne pouvait oublier l’engagement formel qu’il a pris à cet égard dans son programme. On a entendu avec plaisir M. Casimir-Perier dire à la tribune avec une honorable fierté : « Nous avons, pour remédier aux souffrances des agriculteurs, des projets à étudier, — ceux que nous avons annoncés, — et