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fut à l’origine exclusivement national. On a entendu les cris de : Vive la sociale ! vive l’anarchie ! ce qui, on doit en convenir, n’a rien de commun avec l’autonomie tchèque.

Nous savons que les chefs du parti, M. Engel notamment, se sont énergiquement défendus de toute relation avec les fauteurs de troubles et protestent à la fois de leur amour pour la patrie tchèque et de leur fidélité à la monarchie autrichienne. En France, où l’on suit avec sympathie les efforts légaux de la Bohême pour atteindre un but qui n’a rien en soi que de juste et de raisonnable, l’opinion ne saurait encourager les exagérations imprudentes dont le résultat ne saurait être que de retarder le succès de la cause qu’elles espèrent servir.

L’émancipation relative ne peut s’accomplir que par la voie d’un accord entre le souverain et ses sujets ; tout ce qui transformerait les revendications des jeunes Tchèques en une campagne d’allure révolutionnaire les frapperait par avance de stérilité. Il est fâcheux d’autre part que les divisions qui se sont produites au sein du parti de la grande propriété foncière de la Diète ne cessent de s’accentuer ; la minorité de ce parti, dirigée par les comtes Leonhardi et Kinski, se sépare définitivement de la majorité qui, sous la conduite du prince Charles Schwarzenberg, se confine dans un conservatisme, excessif peut-être à l’heure actuelle.

Il n’en est pas de même en Hongrie, où la majorité de la Chambre des magnats semble dès à présent acquise aux projets libéraux du ministère Weckerlé. Les lois ecclésiastiques, dont la discussion commencera le 19 à la Chambre, seront donc l’occasion d’un échec pour le parti clérical, malgré l’appui que les nationalités non magyares, — Roumains, Slvovaques, Serbes et Ruthènes, — prêteront sans doute aux catholiques intransigeans, parce qu’elles veulent voir dans l’organisation laïque des registres de l’état civil une atteinte déguisée à leur particularisme. Quelque respectables que puissent être les motifs mis en avant par ces divers opposans, la mise en vigueur des lois nouvelles constituera pour la Hongrie un acte de justice et de progrès, puisqu’il ne fait en somme qu’introduire dans cette portion de la monarchie un régime qui fonctionne déjà dans l’autre portion et en général dans toute l’Europe civilisée.


Un deuil nouveau vient de frapper la Revue, en la personne d’un de ses plus anciens et plus éminens collaborateurs, dont la perte sera ressentie par nos lecteurs comme elle l’a été dans le monde des lettres, où il était universellement estimé pour son caractère et pour son talent. M. Maxime Du Camp a succombé à Baden-Baden, où il passait chaque été et où la maladie cette fois l’avait retenu. Il est mort le jour même où il atteignait sa soixante-douzième année. Il était né à Paris le 8 février 1822. Quoiqu’il ait beaucoup écrit, presque dans tous les genres,