Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Albin, sur la réclamation qu’elle en fit, en invoquant à l’appui de sa revendication le testament même de l’ancien membre du directoire.

Quoi qu’il en soit, la partie des papiers de Barras la plus importante par le nombre et par la nature des pièces avait échappé aux investigations du gouvernement de la restauration, qui depuis quatre ans guettait ces documens, et qui, en ayant trouvé quelques-uns, laissés peut-être à dessein au domicile du défunt afin de dépister les recherches, crut sans doute avoir tout saisi. Tandis que le procès dont il vient d’être parlé s’engageait, et que le parti libéral tout entier menait grand bruit au sujet de l’acte d’arbitraire commis par les ministres de Charles X, M. Rousselin de Saint-Albin se préparait tranquillement à remplir la mission que son ami lui avait confiée, et la révolution de juillet 1830, qui survint peu de mois après les incidens qu’on vient de raconter, lui permit bientôt de se consacrer à sa tâche avec une entière sécurité.


II. — AUTHENTICITÉ DES MÉMOIRES DE BARRAS

On a remarqué sans doute une certaine contradiction dans les termes du testament de Barras relatifs à ses Mémoires. Si l’on s’en rapporte seulement au commencement de la phrase : « Je désire que mes papiers et mes Mémoires… », on est tenté de conclure qu’il existait à la mort de l’ex-directeur des Mémoires écrits par lui et achevés. Mais, d’autre part, les mots « pour rédiger les Mémoires que le temps ne m’a pas permis de rédiger… » pourraient au contraire donner à penser que les mémoires connus depuis longtemps, quoique inédits jusqu’à ce jour, sous le nom de Mémoires de Barras ont été abrités faussement sous son nom, qu’ils ne contiennent peut-être pas l’exacte expression de sa pensée sur les événemens dont ils traitent, et qu’ils doivent être par conséquent rangés au nombre de ces mémoires apocryphes dont la liste est si longue. Le premier point à examiner est donc celui de l’authenticité des Mémoires qu’on va lire.

Dans un long exposé manuscrit présenté en 1833 au président et aux juges du tribunal civil de première instance de la Seine, lors des débats, — dont il sera parlé plus loin, — qui s’engagèrent à cette époque entre MM. Rousselin de Saint-Albin et Paul Grand au sujet de la publication des Mémoires de Barras, M. Paul Grand s’exprimait en ces termes :

« Bonaparte était tombé, et Barras, sans être protégé par la nouvelle dynastie, n’en était pas du moins persécuté, et jouissait du calme de la vie privée, comme il l’avoue lui-même. Il se disposa à