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contraire combattue par quelque incident romanesque. Qu’ils soient satisfaits, le futur capucin a eu son petit roman. On le sait par lui-même ; car il s’est confessé, non pas à la façon de Rousseau, mais chrétiennement et humblement, d’une faiblesse qui, à l’âge où il l’a ressentie, n’a pas dû avoir beaucoup de gravité. Le charme qui l’attira, de douze à quatorze ans, vers une personne sur laquelle il a évité discrètement de donner des indications qui puissent la faire reconnaître, ébranla d’abord une vocation encore plus précoce que cet amour innocent, et finit par la fortifier en faisant voir de près au jeune François les séductions auxquelles il risquait d’être exposé. Toutefois, par déférence pour sa mère, il consentit à passer quelques années dans le monde. Après avoir fait, avec plusieurs amis de son âge, un voyage en Italie, considéré alors comme le complément de l’éducation destinée à former ce qu’on appelait un honnête homme, il parut à la Cour et fut présenté à Henri IV sous le titre de baron de Maffliers, tiré d’une terre qui lui venait, par sa mère, des La Fayette. Il servit comme volontaire, on 151)7, au siège d’Amiens, et s’y conduisit bravement : le courage personnel est une des vertus qui ne lui ont jamais fait défaut. Dans le cours de la même année, il put prendre quelque teinture de la diplomatie en accompagnant Hurault de Maisse en Angleterre, dans cette ambassade que Prévost-Paradol a racontée et qui avait pour but d’expliquer par avance la paix de Vervins.

Lorsqu’il revêtit, à vingt-deux ans, le froc des enfans de Saint-François d’Assise, il avait donc, malgré sa jeunesse, une certaine expérience de la vie. Avec cela une instruction étendue, la connaissance approfondie des langues anciennes, la pratique de l’italien et de l’espagnol, qui devaient lui être si utiles dans les négociations auxquelles il fut mêlé. Après quelques années passées dans l’obscurité du cloître et consacrées à des études théologiques, il paraît en public comme prédicateur. Son premier sermon, prononcé à Paris, en l’église de Sainte-Geneviève, produit une grande impression. Puis il parcourt la province, prêchant partout, obtenant des conversions, provoquant des vocations religieuses, entre autres celles du Père Ange de Mortagne, qu’il gagne à l’ordre des capucins, et dont il fera plus tard son compagnon et son secrétaire. Il se livre à la direction spirituelle, et rencontre des âmes d’élite, comme Antoinette d’Orléans-Longueville, veuve d’Albert de Gondi, marquis de Belle-Isle, en religion sœur Sainte-Scholastique. Il entreprend avec cette sainte femme la réforme de l’ordre de Fontevrault, déchu alors de ses anciennes vertus. Puis, rencontrant des difficultés dans son entreprise, il ne renonce pas à un projet pour lequel il s’est passionné ; mais il le