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trait à l’Institut l’année suivante. Il a succombé à un accès de suffocation, au cours d’une excursion sur les bords du lac des Settons, dans le département de la Nièvre, le 16 août 1893, à l’âge de 68 ans.

La carrière de Charcot a été bien remplie, il n’a pas besoin de louanges. Ses qualités maîtresses étaient la discipline et la persévérance ; pas un jour sans travail, pas une étude abordée sans être poussée jusqu’au bout. La maladie seule pouvait troubler son exactitude, dans son service d’hôpital, dans son enseignement, dans sa pratique, dans sa vie privée.

Ses débuts ont été durs ; la fortune ne l’avait pas comblé, et pendant qu’il était interne et chef de clinique, il donnait des leçons particulières pour augmenter ses ressources. Cependant ses tendances scientifiques se manifestaient par l’étude des travaux étrangers qu’il suivait assidûment, surtout dans les littératures anglaise et allemande, peu cultivées à cette époque chez nous. L’érudition profonde qu’il a acquise alors fut une base solide pour les travaux personnels qu’il entreprit ensuite. Du reste, même après qu’il eut spécialisé ses études, il suivait soigneusement les progrès de la science médicale dans sa généralité ; aucun point de la pathologie ne lui restait étranger. Ses premiers travaux ont porté sur la médecine générale : le rhumatisme chronique, qu’il a contribué à distinguer de la goutte, les maladies du cœur et des vaisseaux ; et dans l’avertissement des Archives de neurologie qu’il fondait en 1881, il insistait sur « la nécessité d’asseoir la spécialité sur le fondement solide d’une forte culture générale et d’entretenir avec le milieu ambiant des échanges incessans. » Charcot était médecin avant d’être neurologiste, et il sut rester médecin.

Charcot avait été interne à la Salpêtrière en 1853, et y avait fait sa thèse sur le Rhumatisme chronique. Il revint en 1862 dans cet hospice comme chef de service pour ne le plus quitter.

Il y arrivait en compagnie de son ami Vulpian. Et si Charcot devint plus tard le maître de l’école de la Salpêtrière, il est difficile de dire qui de lui ou de son collaborateur prit plus de part à sa fondation. Ils se mirent à l’œuvre ensemble et se partagèrent la tâche colossale d’explorer toutes les salles de cet immense hospice, de recueillir toutes les observations des malades dont le dossier se complétait chaque jour par l’examen anatomique ; aucun des moyens récens de recherches scientifiques applicables à la clinique n’était négligé. Charcot mettait déjà en pratique ce que plus tard il appelait son credo : « Si je crois fermement qu’il existe en médecine tout un domaine qui appartient en propre au médecin, que lui seul peut cultiver et faire fructifier, et qui resterait néces-