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solennels des principaux parlemens de l’Europe pour que ces arbitrages prennent plus d’extension dans l’avenir.

En attendant le jour où « aucun peuple, selon le mot du prophète, ne lèvera plus la main sur un autre », le jour où l’enseigne : A la paix perpétuelle, sera de mise ailleurs qu’à l’entrée des cimetières, l’Europe recueille avec satisfaction tous les dicts pacifiques qui sortent de la bouche des hommes d’État, acteurs dans la politique militante. Au banquet donné ces derniers jours par la Chambre de commerce anglaise de Paris, l’ambassadeur d’Angleterre, lord Dufferin, a saisi l’occasion de resserrer les biens qui rattachent les deux nations, au moment où un nouvel esprit se manifeste dans leur politique réciproque. Il a fait l’éloge de la France, il a fait aussi celui de la Russie et du tsar. « J’observe, a-t-il dit, que beaucoup de publicistes sont d’avis que l’éventualité d’une guerre ou la conservation de la paix dépend principalement du fiat de l’empereur de Russie. S’il en est ainsi, je pense que l’Europe est en des mains sûres, que chaque jour nous apporte de nouvelles preuves des intentions pacifiques de Sa Majesté impériale. »

Parlant ensuite des relations de son pays avec le nôtre, lord Dufferin a fait remarquer que, depuis près d’un siècle, une paix ininterrompue a régné entre In France et l’Angleterre ; que, pendant cette période, « l’Angleterre a appris à mieux connaître et à admirer plus que jamais la France. » Le but constant de l’ambassadeur actuel a été, nous aimons à le reconnaître, d’encourager cette entente bienveillante entre les deux nations. L’Angleterre est en contact avec la France et la Russie sur divers points, et de petits différends peuvent se produire de temps en temps entre elles ; mais les plus importans même de ces différends sont si minimes, en comparaison de la masse des grands intérêts nationaux respectifs, que ce serait une honte pour les nations de leur permettre de prendre plus d’importance que les rides et les remous qui diversifient la surface d’un fleuve puissant.

Le langage cordial du représentant officiel de la Grande-Bretagne emprunte une signification particulière au moment où il est tenu, lorsqu’une crise ministérielle vient de se produire à Londres. Comme il est probable que l’ambassadeur n’a pas parlé seulement en son nom, mais bien d’accord avec le nouveau chef du cabinet britannique, nous voulons voir dans les paroles de lord Dufferin le reflet des sentimens dont lord Rosebery est animé à notre égard.

Ce dernier est en effet depuis huit jours promu à la dignité de premier ministre de la reine. La démission de M. Gladstone, plusieurs fois annoncée puis démentie, est devenue officielle au commencement de ce mois, et l’illustre homme d’État, entré pour la première fois au ministère il y a cinquante-neuf ans, sous sir Robert Peel, comme lord de la trésorerie, quitte aujourd’hui dans sa quatre-vingt-cinquième année la direction des affaires publiques, après avoir fourni l’une des carrières