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dans le Paris du XVIe siècle, étaient en bois recouvert de plâtre ; en bien des villes, les corps de cheminées aussi étaient de bois, et l’on sait comme les incendies d’alors avaient beau jeu. — Les salles nues, où le jour pénétrait par des croisées de papier huilé, en guise de vitres (les vitraux, même en verre blanc, étaient un luxe de riche), n’offraient aucune de ces recherches du confortable qui sont venues, les unes après les autres, s’y ajouter dans la suite des siècles. Depuis une cinquantaine d’années seulement nous avons vu se produire, dans le type moyen de la maison parisienne, des améliorations, des embellissemens qui la modifient fort. Les grandes villes de province ont suivi l’exemple de la capitale. Il faut se figurer qu’il en a été ainsi de tout temps, et qu’un immeuble du boulevard Haussmann ne peut pas plus être comparé à une bicoque de la rue de la Calandre, au XIVe siècle, que le Paris de la troisième république ne peut se comparer au Paris de Louis VIII, dit le Lion.

Le mot de « maison », à Paris, éveille aujourd’hui l’idée de quelque bâtiment haut et vaste ; non point de ces petits pignons de deux ou trois fenêtres qui se poussent et se pressent à s’écraser l’un contre l’autre, dans les rues du Temple ou Saint-Denis, ou dans les premiers numéros de la rue Saint-Honoré. Ce sont là pourtant les modèles courans du XVIIe siècle. La partie de l’ancien Nîmes, circonscrite par les boulevards, comptait 1 408 maisons en 1592 et, en 1893, le même périmètre n’en contient plus que 1050 ; mais ce sont des maisons plus grandes. L’historien de la propriété bâtie est donc condamné à mettre en parallèle des objets qui diffèrent autant par le dehors que par le dedans, autant par leur taille que par leur essence intime ; il est réduit à calculer des moyennes dont les unes s’appliquent, pour le Paris actuel, à des espèces de palais, et, pour le Paris ancien, à des espèces de masures.

Il est un élément demeuré immuable : c’est le terrain des villes. Les variations de prix de ce sol parisien, renfermé dans les fortifications présentes, nous apprennent que, si la propriété mobilière fut l’éternelle victime des révolutions économiques, si la propriété foncière rurale les a au contraire traversées toutes sans encombre, et quelques-unes avec profit, la propriété citadine a été la grande privilégiée des temps modernes. Les mortels favorisés qui ont hérité de leurs pères un morceau de ces quelques kilomètres carrés composant la superficie contemporaine de notre capitale, ont vu leur avoir non pas quintuplé, ou décuplé, non pas même centuplé*, mais augmenté depuis le moyen âge de un à deux mille.