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je voyais. Le royaume le plus opulent n’est plus qu’un monceau de cendres. Où donc est maintenant ce Paris qui était une si grande cité ? »

Au début du XVe siècle pourtant, tandis que Paris est en proie à la guerre civile, au brigandage officiel, aux meurtres quasi légaux des Orléans-Armagnacs, puis des Bourguignons-Cabochiens, et que les deux partis, traînant à leur suite un égal nombre de coquins, dominent tour à tour la ville, ouvrent ou ferment alternativement ses portes, ni le loyer ni la valeur vénale des maisons ne se ressentent tout d’abord de ces excès. Il semble même qu’ils aient une tendance à augmenter, sans doute parce que le séjour du plat pays ou des petites villes est encore plus intolérable que celui des grandes. A partir de 1420, au contraire, les prix s’effondrent brusquement : le loyer moyen, dans le deuxième quart du siècle, tombe à 67 francs ; il s’affaisse à 58 francs dans le troisième (1451-1475) et ne se relève, sous Louis XI et Charles VIII, qu’à 80 francs. C’est le prix qu’est louée, sur la place de Grève, la grande maison des Trois-Piliers ; c’est à peu près le prix que paie rue du Plâtre un conseiller au Parlement. Les plus gros loyers de l’époque se trouvent rue Saint-Denis et ne dépassent pas 320 francs ; mais on n’a pas de peine à citer des immeubles de 10 francs, rue des Deux-Portes et, près de la pointe Saint-Eustache, un chanoine ne paie pas davantage. Rues Saint-Martin, de Jouy et de la Hucherie, les maisons descendent à 19 et 13 francs ; rues Mouffetard et de Venise, elles ne trouvent preneur qu’à 7 et 8 francs par an ; elles ne valent même que 4 francs rue du Hurleur. Et toutes ces rues ne sont pas des voies méprisables ; ainsi c’est rue de Jouy qu’habite, en 1453, le prévôt de Paris Robert d’Estouteville.

Une maison de la rue Saint-André-des-Arts est louée à une « femme amoureuse » moyennant 194 francs. Ce devait être quelque hétaire en renom, telle que cette Catherine de Vaucelles, « félonne et dure », qui aime l’argent, nous dit Villon, et dont il ne faut pas croire « les doux regards et beaux semblans. » Peut-être aussi ce loyer est-il celui d’une collectivité ? Le bail d’ailleurs date de 1490, époque où les prix étaient en hausse. Quarante-cinq ans auparavant une autre « femme amoureuse » ne payait, dans la même rue, que 52 francs de loyer ; une partie de maison, rue de la Harpe, affectée, suivant les termes du contrat, à l’usage analogue de chambrettes à fillettes, ne rapportait annuellement que 8 fr. 30 ; ce qui paraît correspondre, sous Charles VII, à une prostitution d’ordre assez inférieur.

A chaque pas, au XVe siècle, on apercevait à Paris, comme en