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Et la voix de cette âme nue,
Douce, cristalline, ingénue,
Vibra, beau lys mélodieux :

« — Dis, me reconnais-tu, mon rischi, mon génie,
Et vois-tu sur mon sein briller ce fier diamant ?
C’est ta larme d’amour… cette larme bénie :
Les Dévas l’ont changée en un pur talisman.
Non, ils ne m’aimaient pas, ceux qui dans leur ivresse
Ont possédé ma chair. Un seul, un seul m’aima.
La souffrance et la mort ont ému ta tendresse ;
Cette larme de feu sauva la pécheresse,
Cette larme d’amour m’a fait croire en Brahma ! »

Et l’Ame blanche, l’Ame humide
Dans un baiser doux et fluide
Montait aux lèvres d’Anannda,
Et le rischi se demanda
Si dans la fusion profonde
L’enveloppait l’Ame du Monde ?

Mais sortant du lotus, radieuse en son charme.
L’âme de Raoula lui fit ce grand serment :
« — Dans mon éternité j’emporte cette larme
Qui brille sur mon cœur, étoile de diamant ! »
« — Et moi, dit le rischi, resplendissant de gloire,
O suprême bonheur, ô suprême victoire,
Ton baiser, je l’emporte au fond du firmament ! »

EDOUARD SCHURE.