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n’avoir guère fait preuve que de qualités superficielles et d’une action tout à fait éphémère. En revanche, depuis quelques années, sous l’impulsion d’une école naturaliste, assez différente de la nôtre, bien qu’elle en procède par certains côtés, et sous l’influence aussi de la nouvelle littérature dramatique Scandinave, une sorte de renaissance s’est produite, qu’il serait encore un peu prématuré de juger dans son ensemble, mais qui n’en a pas moins excité tout de suite, — et quelquefois avec raison, — l’enthousiasme de quelques-uns de ces juges qui se désolaient tant les années précédentes, en même temps d’ailleurs qu’elle en a amené d’autres à faire entendre des clameurs de détresse plus violentes que jamais.

Mais pendant que le théâtre allemand paraît se revivifier en ce qui concerne la valeur de ses productions, il cède malheureusement au mouvement néfaste, d’ailleurs général, qui depuis la guerre de 1870 entraîne tout en Allemagne à la centralisation. Beaucoup de bons esprits de là-bas le constatent et le regrettent, tout en se rendant compte qu’il faudrait de très gros bouleversemens pour qu’il cessât d’en être ainsi. Les jours lointains où Weimar, Iéna, Munich et d’autres villes encore, étaient des centres littéraires importans, influençant directement leurs théâtres, sont sans doute à tout jamais passés. Berlin domine tout ; et de partout, des villes mêmes qui tout récemment encore avaient des théâtres ayant leur vie propre, Hambourg, Francfort, Dresde, Munich, Stuttgarl, Carlsruhe, Breslau, Vienne même, on se met à attendre de plus en plus le mot d’ordre de Berlin. Sans doute la valeur d’un art ne se mesure pas au nombre des œuvres qu’il produit ; mais plus se restreint le nombre des débouchés pour les œuvres d’art, plus il y a lieu de craindre que dans le nombre des œuvres médiocres ainsi étouffées ne se trouvent empêchées aussi de voir le jour des œuvres qui peut-être auraient été intéressantes. Quoi qu’il en soit, il y a au moins tout un autre côté par où cette tendance trop évidente à la centralisation ne peut que porter un grave préjudice aux théâtres allemands, c’est en ce qui concerne l’art dramatique proprement dit ; et on peut prévoir le moment où beaucoup de villes d’Allemagne, qui ont encore aujourd’hui de bons théâtres rivalisant avec ceux de la capitale de l’empire, finiront, faute de se revivifier constamment par le moyen de créations personnelles, par n’avoir plus que de simples succursales des théâtres de Berlin.


III

Je n’ajouterai plus que quelques notes sur le fonctionnement même des théâtres en Allemagne, sur la manière la plus récente dont on y conçoit l’art scénique, les décors, la mise en scène, l’interprétation. Faut-il aussi signaler quelques particularités, qui ne sont que des