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constamment que chez nous le souci de considérer comme quelque chose de plus et de mieux qu’un endroit de plaisir.

Si maintenant nous considérons ce qui se fait sur la scène elle-même, c’est aussi une impression de travail continuel et consciencieux que nous en rapporterons, avec tous les résultats heureux pour l’art dramatique qu’il est naturel de supposer à ce travail comme conséquence : agrément de la perfection dans le détail, charme du pittoresque, fusion plus continue des diverses parties, vérité plus saisissante du tableau de mœurs. Mais aussi tout cela portera souvent avec soi l’inconvénient inséparable d’un travail trop méticuleux, c’est-à-dire un certain obscurcissement de l’ensemble par la surabondance des détails, une sorte d’entrave à un complet épanouissement, un manque de souffle, qui d’ailleurs tout naturellement, étant données les qualités natives de l’Allemand, ne lui apparaîtront guère à lui-même comme des défauts, et d’autant moins que la recherche de l’impression à produire, pour être poursuivie par des procédés différens, plus lentement et avec plus de détours, pourrait-on dire, aboutira néanmoins à des résultats, sinon aussi immédiats, mais du moins tout aussi durables que ceux auxquels on aurait pu atteindre en cherchant à frapper tout d’abord plus violemment l’imagination.

On a souvent constaté l’éternel jeu de recommencement que sont toutes nos révolutions dans n’importe quel ordre de choses. Ceci n’a rien d’humiliant, puisqu’on peut presque toujours constater en même temps que, si tout se recommence, c’est tout de même le plus souvent en se développant, en se transformant, en réalisant donc malgré tout un progrès, au moins par certains côtés. Je ne m’attarderai donc pas à rien justifier ni à rien combattre des défauts ou des qualités que peut présenter le mouvement actuel de l’art dramatique en Allemagne, je me contenterai de le définir en disant qu’il est parallèle au mouvement qu’on peut constater également chez nous, et qu’on a souvent résumé en un seul mot en le qualifiant de mouvement réaliste. Je sais bien tout ce que ces sortes de définitions ont d’inexact et d’incomplet, mais si l’on veut bien faire la part de l’inconvénient qu’elles présentent, on a l’avantage de saisir en même temps d’une façon plus nette l’idée dominante qu’elles ont à exprimer. Je laisse au lecteur le soin de mettre lui-même au point la valeur de l’expression. Ce que je voudrais seulement faire remarquer ici, en y insistant un peu, c’est qu’il me semble justement, quoique cette opinion que j’ai ait été le plus souvent contredite, que l’Allemagne est le pays où le réalisme peut le mieux prospérer. J’entends ici par réalisme le réalisme en ce qu’il a de bon, car je crois qu’en ce qu’il a de mauvais il prospère également bien partout ; et maints écrivains se sont employés à nous en fournir des exemples, en Allemagne aussi bien qu’en France. On s’est trop habitué à dire un peu exclusivement de l’Allemagne qu’elle était la terre de l’idéalisme, en